En France, près de 11 millions de personnes prennent chaque jour soin d’un proche âgé, malade ou handicapé. Qui sont ces « aidants » ? Peut-être vous, votre conjoint, l’un de vos parents, l’un de vos enfants ? Des femmes et des hommes, actifs ou retraités, adolescents, voire tous petits, qui ne sont reconnus ni par la loi ni par la société, et qui mettent souvent leur travail, leur scolarité, parfois leur santé en danger, en ne comptant ni leur temps ni leurs efforts dans l’accompagnement de leurs proches. Un point s’impose.
50% des aidants déclarent se sentir seuls et non soutenus moralement. Il est temps de prendre conscience que ce sujet nous concerne tous et de porter un autre regard sur ces personnes qui bouleversent leur quotidien par amour.
DES MILLIONS D’AIDANTS FAMILIAUX
Un proche sera considéré comme aidant d’un senior (au sens du dispositif CARE) si le senior déclare qu’il lui apporte régulièrement une aide pour accomplir des gestes de la vie quotidienne, un soutien moral ou encore une aide financière ou matérielle, en raison de son âge ou d’un problème de santé. En France, ils sont 3,9 millions à être répertoriés officiellement mais beaucoup plus en réalité : près de 11 millions de proches aidants d’une personne âgée de 60 ans ou plus vivant à domicile lui apportent une aide régulière, en raison de son âge ou d’un problème de santé, pour l’un au moins des trois grands types d’aides (vie quotidienne, soutien moral, aide financière ou matérielle). La moitié des proches aidants sont des enfants du senior, un quart sont des conjoints. Les conjoints et enfants des seniors représentent 8 proches aidants sur 10. Les seniors vivant en établissement d’hébergement pour personnes âgées (EHPAD, EHPA, USLD) sont également aidés par 720 000 proches aidants.
UN LIEN DE PROXIMITÉ GÉOGRAPHIQUE
Dans un dossier de la DREES, on apprend que la majorité des aidants des seniors vivant à domicile sont des femmes (59,5 %). Plus le lien familial avec la personne âgée aidée est fort, et moins la majorité de femmes est importante. Parmi les aidants qui cohabitent avec la personne aidée, conjoints et enfants cohabitants, on trouve ainsi presque autant d’hommes que de femmes. Par ailleurs, la relation d’aide s’inscrit le plus souvent dans une situation de proximité géographique. En effet, la plupart des aidants habitent à proximité immédiate du senior, puisque les trois quarts des enfants aidants qui ne cohabitent pas avec le senior habitent à moins de 30 km et à moins de 40 minutes du domicile de la personne.
UNE COHABITATION PLUS DIFFICILE
Les enfants cohabitants connaissent une situation de vie plus défavorable que les enfants non cohabitants. Ils sont moins souvent en couple (26 % contre 71 % des enfants non cohabitants), 62 % sont sans enfants (contre 18 % chez les enfants non cohabitants). Ce phénomène touche principalement les hommes (74 % des hommes cohabitant avec leur parent aidé n’ont pas d’enfants, contre 51 % des femmes). La situation sur le marché de l’emploi est également défavorable aux enfants cohabitants : ils sont ainsi plus souvent au chômage (12 %) et inactifs pour cause d’invalidité (9 %) que les enfants non cohabitants (7 % et 3 % respectivement).
UNE AUGMENTATION CROISSANTE
Le nombre total de proches aidants est relativement stable selon l’âge de la personne aidée pour les seniors âgés de moins de 75 ans. Il augmente ensuite jusqu’à 85 ans, avant de diminuer aux grands âges, âges auxquels la dépendance accrue suscite des départs en institution, et auxquels les seniors aidés sont par ailleurs davantage exposés à la mortalité. Toutefois, le nombre de conjoints aidants est relativement stable auprès des seniors âgés de moins de 85 ans. L’augmentation du nombre d’aidants observée chez les seniors âgés de 75 ans à 85 ans correspond surtout à une intervention croissante des enfants. Les activités de la vie quotidienne les plus fréquemment déclarées sont les aides aux courses (62 %), aux démarches médicales (53 %), aides aux tâches administratives (43 %) et aides au bricolage (40 %).
DES AIDES DIVERSES AU QUOTIDIEN
La participation aux aides à la vie quotidienne est très importante quelle que soit la catégorie d’aidants. Parmi l’ensemble des proches aidants, les aidants cohabitants – et a fortiori les enfants aidants qui cohabitent avec le senior – sont ceux qui sont impliqués dans le plus grand nombre d’aides à la vie quotidienne. L’aide apportée est genrée puisque toutes catégories d’aidants confondues, les femmes aident plus souvent pour le ménage (+6,9), la gestion administrative (+5,7) et pour se laver ou s’habiller (+4,5). Un peu moins d’un aidant sur deux (47 %) déclare au moins une conséquence négative de l’aide apportée au senior sur sa santé. Ces effets négatifs sont moins souvent déclarés lorsque le lien familial avec le senior est plus distant : le fait de déclarer au moins une conséquence négative sur la santé est plus fréquent parmi les aidants conjoints (64 %) que parmi les enfants cohabitants (45 %) ou non cohabitants (44 %).
DES CONSÉQUENCES SUR LA SANTÉ DES AIDANTS
On le sait, s’occuper d’un proche n’est pas facile au quotidien. Plus les types d’aides sont nombreux, plus le proche aidant déclare de difficultés sur sa santé. Le fait que le senior aidé souffre de maladie de Parkinson, de maladie d’Alzheimer, de démence, ou encore de dépression a aussi une incidence sur l’état de santé déclaré par les proches aidants qui interviennent auprès de lui. Les femmes proches aidantes accompagnant un senior aidé homme sont celles qui déclarent le plus de conséquences négatives sur leur santé générale, et plus spécifiquement leur santé psychologique, parmi les aidants. À l’inverse, les aidants homme accompagnant des seniors femmes sont les aidants qui en déclarent le moins. Par exemple, les tâches administratives peuvent être une activité chronophage pour l’aidant, tout comme les visites chez le médecin et les gardes de nuit ou de jour. Par ailleurs, la prise en charge des problèmes médicaux du senior, peut être source de difficultés morales pour l’aidant.
L’ISOLEMENT SOCIAL EN QUESTION
La moitié des 11 millions d’aidants en France est en situation d’isolement social alors que ce phénomène touche en moyenne 10 à 15% de la population générale. Les aidants sont souvent seuls à effectuer un travail invisible et gratuit par manque d’accompagnement, de soutien et d’aides qu’elles soient d’ordre social ou financier. S’occuper d’un proche nécessite beaucoup de temps et d’attention dans la durée, entraîne des frais financiers et engendre des impacts sur la vie professionnelle. Les liens sociaux s’en trouvent ainsi réduits, voire inexistants et conduisent les aidants dans un isolement social difficile à vivre. Les conséquences de l’isolement social, amplifiées durant la crise sanitaire, sont importantes : santé aggravée par la fatigue et le stress, risques de prises en charge tardives et de retards de soin, entraînant des coûts humains et financiers pour la société.
UN DÉFICIT DE VISIBILITÉ & DE RECONNAISSANCE
Les aidants, et en particulier les femmes, sont assignés culturellement et institutionnellement dans ce rôle d’aidant, encore considéré comme “naturel” et relevant de la sphère domestique et privée. Ces croyances sociétales et choix politiques nourrissent des sentiments de culpabilité, d’auto-censure, de conflit de loyauté chez les aidants qui n’osent pas ou peu demander de l’aide. L’incompréhension de l’entourage de ce rôle d’aidant provoque un déficit de reconnaissance et de visibilité dans la société.
6 OCTOBRE : JOURNÉE NATIONALE DES AIDANTS
C’est pourquoi, le collectif « Je t’Aide » lance le 6 octobre prochain la 12e Journée Nationale des Aidants dédiée à la prévention et à la lutte contre l’isolement social des aidants : #AidonslesAidants. Une aidante témoigne : « Je me sens isolée car je n’ai aucun contact social en étant à la maison avec mon fils. » L’isolement social est une réalité pour les 11 millions d’aidants qui accompagnent un proche au quotidien. C’est lors d’une consultation nationale annuelle organisée par le Collectif « Je t’Aide », que les aidants ont choisi la thématique de l’isolement social pour cette 12e Journée Nationale des Aidants, l’occasion de rendre davantage visible les aidants, de leur permettre de s’informer sur les aides existantes, mais aussi d’obtenir des conseils auprès de tous les acteurs engagés dans l’accompagnement des aidants. Toutes les régions se mobilisent pour célébrer cette journée qui donnera lieu à des centaines d’événements organisés partout en France.
UN VRAI COUP DE PROJECTEUR
Cette journée sera également un coup de projecteur sur celles et ceux investis au quotidien. C’est l’occasion de mettre en lumière et de parler des aidants. Et « parler, c’est le début de la lutte contre l’isolement social » commente Alice Steenhouwer, Présidente du Collectif Je t’Aide. Associations, entreprises, collectivités, établissements d’accueil, centres de soins, professionnels de l’accompagnement du secteur médico-social organisent des manifestations pour informer les aidants sur leurs droits et toutes les aides à leur disposition. Concrètement, la JNA c’est : Une grande campagne de sensibilisation en affichage et sur les réseaux sociaux pour rendre visibles les aidants et éveiller les consciences sur leur dur quotidien. Mais aussi une conférence-débat sur l’isolement social le 6 Octobre, à Paris à 18h. A cette occasion, le Collectif Je t’Aide dévoilera les lauréats du Prix Initiatives Aidants. Une boîte à outils spécialement conçue pour tous les organisateurs d’événements, téléchargeable sur le site de l’association, afin de leur faciliter la mise en place, la communication et la mobilisation autour de leur action. Conférences-débats, ateliers thématiques, portes-ouvertes, moments d’échanges autour d’un café… les aidants pourront rechercher les manifestations proches de chez eux sur une carte de France interactive sur le site associationjetaide.org
VERS UN DROIT AU RÉPIT
Le droit au répit ne doit pas être mis en place uniquement lorsque l’épuisement des aidants est installé, mais doit pouvoir être activé simplement et sans que ce soit un “parcours du combattant” pour les aidants, ceci afin de leur permettre de continuer à mener une existence la plus ordinaire possible. Or, si le recours à un dispositif de répit est parfois anticipé et fait alors suite à un temps de maturation ou de recherches personnelles, envisager un dispositif de répit apparaît le plus souvent suite à un évènement déclencheur (épuisement important, évènements dans la vie de l’aidant ou du proche aidé, incidents dans la vie du proche aidé, conseils de professionnels au regard de la situation, etc.) et rarement comme une solution d’appui et de soutien imaginée d’emblée. De fait, la décision de recours à une solution de répit apparaît souvent tardivement dans les situations.
DES DÉDOMMAGEMENTS POSSIBLES
Il existe des aides financières pour le maintien à domicile. Entre autres, il est possible d’être salarié ou dédommagé par un proche malade dont on doit s’occuper grâce au statut d’aidant. Il s’agit toutefois d’un engagement particulier à ne pas prendre à la légère. Si la personne dépendante perçoit une aide sociale telle que l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) ou la Prestation de Compensation du Handicap (PCH), elle peut s’appuyer sur celle-ci pour rémunérer ou défrayer son aidant familial. Le statut d’aidant familial peut aussi donner lieu à des avantages fiscaux, ouvrir un droit au chômage ou permettre d’être affilié gratuitement à l’assurance vieillesse. Par ailleurs, les personnes s’occupant d’un parent malade peuvent bénéficier de congés spécifiques ouvrant droit à une rémunération ou une prestation particulière. Enfin, si vous souhaitez accompagner un parent ou un proche âgé dans son quotidien, plusieurs aides existent.
AIDES & DROIT AU RÉPIT
Si vous venez en aide à un proche âgé, vous devez savoir si ce dernier est bénéficiaire de l’APA. Si ce n’est pas le cas, il peut alors vous employer librement en tant qu’aide à domicile. En revanche, si celui-ci perçoit l’APA, cette aide peut permettre de vous rémunérer en tant qu’aidant familial, sauf si vous êtes son conjoint, concubin ou partenaire de PACS. Vous percevrez alors un salaire qui vous fera bénéficier de tous les droits sociaux attachés à votre qualité de salarié (sécurité sociale, assurance vieillesse ou encore congés payés). Le proche que vous aidez devient, lui, votre employeur, et doit à ce titre respecter toutes ses obligations telles que : Déclarer votre embauche à l’Urssaf, se plier à toutes les obligations prévues par le Code du travail (contrat de travail, bulletins de paie, etc.), régler les cotisations sociales et vos salaires. Par ailleurs, tous les aidants familiaux assurant “une présence ou une aide indispensable à la vie à domicile” d’un proche peuvent bénéficier “d’un droit au répit” si ce proche âgé est bénéficiaire de l’APA. Depuis la réforme de l’APA en 2016, les aidants familiaux peuvent ainsi bénéficier d’une aide pouvant aller jusqu’à environ 500 euros par an.
Le Code civil précise qu’« en cas de nécessité », les parents, les enfants, les conjoints et les petits-enfants – mais non les frères et sœurs – se doivent mutuellement assistance, instituant ainsi un « devoir de prise en charge ». Depuis l’adoption de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement en décembre 2015, le proche aidant et l’aidant familial intervenant auprès de personnes âgées sont reconnus par la loi dans le Code de l’action sociale et des familles : «Est considéré comme proche aidant d’une personne âgée son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, un parent ou un allié, définis comme aidants familiaux, ou une personne résidant avec elle ou entretenant avec elle des liens étroits et stables, qui lui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne.» (Art. L. 113-1-3).
AVANTAGES ET DÉDUCTIONS FISCALES
Si vous accueillez chez vous de manière permanente un parent âgé de plus de 75 ans autre qu’ascendant (père ou mère ou beaux-parents) et que celle-ci ne bénéficie pas d’une pension alimentaire, sachez que vous pouvez déduire de vos impôts les frais d’accueil. Par ailleurs, il est possible de déduire de vos revenus les obligations alimentaires que vous versez à un proche ascendant que vous aidez, sous certaines conditions. En revanche, vous ne pouvez pas déduire de pension alimentaire si vous avez déjà une réduction d’impôt en raison de l’emploi d’un salarié chez votre ascendant. Il existe aussi une réduction ou un crédit d’impôt si vous employez un salarié à domicile pour votre proche dépendant. Cette aide à domicile peut aussi ouvrir droit à l’exonération partielle ou totale de charges sociales. Pour toute question sur les avantages fiscaux dont vous pourriez bénéficier en tant qu’aidant familial, rapprochez-vous de la DGFIP.
DES SOUTIENS PSYCHOLOGIQUES
Dans tous les cas, si vous êtes un aidant et que vous souffrez moralement et psychologiquement, il ne faut pas hésiter à en parler autour de vous, à demander de l’aide à vos proches, à un psy ou à des groupes de parole. Par ailleurs, si vous êtes seul et isolé, il existe plusieurs permanences téléphoniques pour briser votre isolement, et vous offrir la possibilité d’être soutenu et guidé à domicile par des conseils experts. Retenez que même les aidants doivent être aidés dans ce véritable parcours du combattant. Vous n’êtes pas seul, la société se mobilise aussi pour vous soutenir au quotidien. J.B.