Nous aspirons tous au bonheur, mais comment le trouver, le retenir et même le définir ? A cette question philosophique par excellence, il existe une réponse exigeante mais apaisante, optimiste et accessible à tous. Elle se trouve en nous et s’applique au quotidien !
UNE RECHERCHE EXISTENTIELLE
Depuis la nuit des temps, les êtres humains cherchent à être heureux. Les philosophes se sont penchés sur la question, puis les religieux, les psys et les experts en développement personnel. Tous nous donnent des pistes pour se sentir plus heureux dans la vie. Pour autant, nous savons tous et toutes que le « Bonheur » qui dure avec un grand « B » n’existe pas en tant que tel. Il s’agit plutôt de l’addition de mille et une petites joies au quotidien qui nous donnent le sentiment d’être heureux. Les difficultés de l’existence entachent souvent ce sentiment, mais ce sont elles aussi qui donnent plus de prix et de poids à tous les moments où tout se passe bien.
LA SAGESSE DE L’ÂGE
Difficile quand on est très jeune et qu’on n’a pas encore « vécu » de prendre conscience que le bonheur se construit, qu’il réside plutôt dans un état d’esprit au quotidien. Il faut avoir connu des drames, des épreuves, pour se rendre compte combien les moments de calme et de sérénité sont appréciables et constituent le vrai bonheur. Vieillir nous apprend donc à être heureux, à nous contenter de joies simples qui mises bout à bout nous rendent tout simplement heureux de vivre.
REGARDER EN SOI-MEME
Les années qui passent sont donc une bénédiction ! En prenant de l’âge, on comprend alors qu’il faut cesser de chercher à tout prix le bonheur à l’extérieur de nous, mais qu’il faut au contraire apprendre à regarder en nous-même (mais à nous regarder un peu moins nous-même), nous familiariser avec une approche à la fois plus méditative et plus altruiste du monde…
UN ENRICHISEMENT INTIME
Pour nous aider à cheminer dans cette voie, l’approche philosophique du bonheur menée par les grands sages s’est enrichie au fil du temps des approches psychologiques comme Csikszentmihalyi (« Vivre, psychologie du bonheur »), Tal Ben Shahar (« L’apprentissage du bonheur ») ou Christophe André (« Imparfaits, libres et heureux »), des approches spirituelles comme Krishnamurti (« le sens du bonheur ») ou Matthieu Ricard (« plaidoyer pour le bonheur ») et même des approches psycho-philosophiques comme Frédéric Fappani (« Education au bonheur »).
UN CHEMIN AUTHENTIQUE
Riche de sa double culture, de son expérience de moine, de sa fréquentation des plus grands sages, de sa connaissance des textes sacrés aussi bien que de la souffrance des hommes, Matthieu Ricard, l’ambassadeur le plus populaire et le plus reconnu du bouddhisme en France, dans son livre « Plaidoyer pour le bonheur », a proposé une réflexion passionnante sur le chemin du bonheur authentique et les moyens de l’atteindre. Mais il n’est pas le seul. De nombreuses religions et philosophies nous tirent vers ce bonheur riche de l’instant présent.
EN CHACUN DE NOUS
Le bonheur est donc en chacun de nous. C’est une disposition, une aptitude interne. A travers de nombreux témoignages, Moussa Nabati dans son livre « Le bonheur d’être soi », nous montre que le seul vrai obstacle empêchant l’adulte de goûter au bonheur provient de sa difficulté à oser être lui-même. Etre soi, cela veut dire s’aimer, se respecter, savoir ressentir, choisir, désirer et s’exprimer en son nom propre, pour son compte. C’est avoir un psychisme autonome, différencié des autres mais relié à ses origines et à son passé. Dès lors, il n’y a rien de particulier à faire, aucune recette miracle pour trouver le bonheur : seule la pacification avec sa propre histoire permet de s’en rapprocher. C’est pourquoi, il est plus simple d’être heureux après 50 ans.
LA VOIE DE L’INSTANT PRÉSENT
Et si la seule et véritable clé du bonheur, c’était de vivre l’instant présent ? Concept ancien en rapport avec la philosophie de l’espace et du temps, remis au goût du jour et entré dans le langage courant avec les mouvements New Age, l’instant présent ou « moment présent » est-il « la » voie pour être heureux ? La notion trouve sa forme dans l’expression « ici et maintenant ». L’instant présent désigne ce qui se tient entre le passé et l’avenir : l’instant immédiat. Vivre l’instant présent garantirait une vie satisfaisante par opposition à « vivre dans le passé » ou « s’inquiéter de l’avenir ».
L’ICI ET MAINTENANT
De la philosophie grecque au boud-dhisme, en passant par les découvertes de la psychologie positive et des thérapies cognitives, « vivre l’instant » est présenté comme une solution pour goûter le plaisir de vivre et renforcer son sentiment de plénitude. Carpe diem est une locution latine du 1er siècle av.J-.C. connue pour être une des premières à représenter ce concept. Elle est extraite d’un poème de Horace et traduite par « Cueille le jour présent, en te fiant le moins possible au lendemain ». Ronsard, au XVIe siècle écrivait dans le même esprit : « Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie » dans ses Sonnets pour Hélène. Henry David Thoreau, au XIXe siècle, disait : « Tu dois vivre dans le présent, te lancer au-devant de chaque vague, trouver ton éternité à chaque instant. »
UN TRAVAIL DE CHAQUE INSTANT
Pour être heureux, il faut donc apprendre à vivre l’instant et à l’apprécier à sa juste mesure. Mais force est de constater que même en vieillissant, ce n’est pas toujours simple. Pourquoi le mental a-t-il tendance à nier l’instant présent ou à y résister ? Parce qu’il ne peut fonctionner et garder le contrôle sans le temps, c’est-à-dire sans le passé et le futur. Il perçoit donc l’intemporel instant présent comme une menace. En fait, le temps et le mental sont indissociables. Pour assurer sa position dominante, le mental cherche continuellement à dissimuler l’instant présent derrière le passé et le futur.
GOÛTER LA DENSITÉ DU TEMPS
Le plus souvent, nous anticipons le futur (ex. le prochain week-end, le dîner à organiser, le projet à boucler…) ou nous remâchons le passé (ex. je ressasse toute la journée la dispute que j’ai eue la veille au soir avec ma fille aînée). Or, nous n’avons de prise réelle ni sur l’un ni sur l’autre. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas tenir compte de l’histoire. Et il est donc normal de préparer l’avenir dans le présent car « gouverner, c’est prévoir ». Pour goûter cette densité du présent, la question n’est pas d’appuyer sur la touche « pause » pour rendre grâce du temps qui défile, mais de le remplir de la densité de l’Amour et de la joie de vivre.
LE PRÉSENT, ENTRE PASSÉ ET FUTUR
Souvent, on aime à revenir sur le passé, surtout lorsqu’il a été l’objet d’un certain nombre de satisfactions. Mais est-ce vraiment raisonnable, car cela peut être la cause d’un certain romantisme stérile, au mieux d’une inaction trompeuse ? Inversement, on a tendance aussi à faire des projets : Vivre pour le futur. Cette façon de voir est décidemment plus dynamique. Seulement, dans quelle mesure a-t-on réellement de l’emprise sur ce qui n’est pas encore, sur l’incertain ? La seule certitude c’est le présent. D’où la logique, pour être le plus heureux possible, de s’astreindre à faire de chaque instant vécu un moment de joie. Vivre au présent, c’est habiter chaque instant, sans fuite, sans dérobade devant le réel, en répondant de manière exacte à chaque situation d’expérience, en vivant au sommet de soi-même, sur la crête de l’instant.
LE POUVOIR DE L’ATTENTION
C’est tout l’enseignement d’Eckhart Tolle, écrivain canadien anglais d’origine allemande qui prône la valeur spirituelle de l’attention, dans le « Pouvoir du moment présent ». Ses propositions d’exercices pratiques sont fondées sur la simplicité d’une pratique de courts moments de méditation pour développer l’éveil de la conscience de soi, le sens de l’écoute et l’attention perceptive (corporelle). Cette pratique vise à faire taire quelques minutes le courant de la pensée ordinaire pour ressentir petit-à-petit la présence d’une forme de conscience de soi plus profonde, plus subtile. Elle vise le relâchement des conflits ou malaises existentiels propres à l’homme contemporain dans sa vie quotidienne pour une meilleure relation à lui-même. Eckart Tolle demande de court-circuiter toute projection. C’est là, maintenant. Les efforts, c’est seulement pour demain et dans le mouvement de tension d’aujourd’hui à demain. Nous dépensons une énergie folle en devoir-être. Alors posons-nous. Lâchons-prise. Pas devoir-être. Être. Complètement. Honorons cet instant.
CONSTRUIRE L’AVENIR ET EXISTER
Etre présents à soi et au réel pour ne pas être emportés dans une vie dépourvue de sens, tel est l’enjeu. Il peut paraître simple, mais il s’atteint à travers une certaine forme d’ascèse. Nos esprits étant sans cesse « en promenade », balancés entre nos impressions du passé et nos rêves d’un avenir meilleur, nos préjugés et nos croyances, nous courons sans cesse le risque de laisser échapper le réel, et donc la vie. Il suffit de prendre profondément conscience que le moment présent est toujours uniquement ce que l’on a. On peut alors faire de l’instant présent le point de mire principal de notre vie.
DIRE « OUI » À LA VIE
Concrètement, tandis qu’auparavant vous habitiez le temps et accordiez de petites visites à l’instant présent, faites du « maintenant » votre lieu de résidence principal et accordez de brèves visites au passé et au futur lorsque vous devez affronter les aspects pratiques de votre vie. Dites toujours « oui » au moment présent. Abandonnez-vous à ce qui est. Dites « oui » à la vie et vous la verrez soudainement se mettre à fonctionner pour vous plutôt que contre vous.
L’INFINI DES POSSIBLES
Si l’on se fie au sens commun, on pourrait penser que le bonheur consiste dans l’assouvissement intégral de nos besoins et désirs. Or la satisfaction complète des désirs semble impossible dans la mesure d’une part où l’accomplissement d’un désir est très souvent l’origine d’un nouveau désir de telle manière que la quête du bonheur serait sans fin, et que, d’autre part, tout choix d’un projet de vie semble impliquer qu’un privilège soit donné à certaines aspirations, au détriment d’autres. De plus, le fait que le bonheur soit communément conçu comme un état stable et permanent, comme une « paix intérieure », montre bien qu’il ne saurait être la simple conséquence de la satisfaction des désirs, car ceux-ci sont justement ce qui ne cesse de venir perturber tout « repos » dans un état déterminé.
Et si nous acceptions l’idée ou la philosophie de vie que « Vivre, c’est déjà être heureux » ? Et si nous faisions tout notre possible pour que l’instant présent soit le plus souvent source de bonheur, car source de vie ? Une voie à méditer pour être chaque jour plus heureux et renforcer ce sentiment merveilleux en prenant de l’âge. V.L.