Fanny Ardant a tous les talents : actrice, réalisatrice, scénariste et metteuse en scène, elle pratique son art au cinéma, au théâtre comme à la télévision. Révélée en 1981 par La Femme d’à côté de François Truffaut, elle reçoit en 1997 le César de la meilleure actrice pour Pédale douce, et en 2020 le César pour un second rôle dans La Belle Époque. Portrait d’une femme entière, libre, drôle et avant tout passionnée.
Difficile de cerner entièrement Fanny Ardant, car derrière cette voix grave et sensuelle et ce physique d’une grande féminité et d’une belle élégance, se cache une femme brillante, cultivée et authentique, pleine d’humour et de verve, qui s’est construite par son éducation, ses rôles, mais aussi ses rencontres, ses maternités et ses passions.
DISCRÈTE, SECRÈTE & INSOUMISE
Ecrivain et biographe, Pascal Louvrier a écrit en 2010 l’unique biographie de Fanny Ardant. Après avoir découvert sur scène la comédienne, dans la pièce Music Hall de Jean-Luc Lagarce, il retrace l’itinéraire existentiel de l’inoubliable égérie de Truffaut. Les lecteurs peuvent ainsi revisiter une carrière qui décolla dans La Femme d’à-côté, avec Gérard Depardieu, pour être couronnée par le César de la meilleure actrice, en 1996, pour le rôle d’Éva dans Pédale douce. Son récit est construit comme un roman pour mettre à jour la vraie personnalité de la comédienne, une femme qui malgré une enfance dorée à Monaco, ne s’est jamais laissée enfermer par les traditions. Discrète, voire secrète, voici une insoumise qui a toujours rejeté les codes bourgeois. Cette liberté de ton, de parole et d’allure se retrouve dans les choix de l’actrice, tant au cinéma qu’au théâtre, mais également dans ses prises de position en faveur d’hommes et de femmes qui refusent de se couler dans un moule.
UNE ENFANCE BOURGEOISE
Fanny voit le jour le 22 mars 1949 à Saumur. Fille d’un officier de cavalerie, elle passe une enfance voyageuse avec ses cinq frères et sœurs. Dans Le Monde, elle raconte : « J’ai en effet été élevée à l’opposé de moi. Mon père était officier de cavalerie. Il vient d’une bourgeoisie terrienne sans beaucoup d’argent. Ma mère est également issue d’une famille bourgeoise, mon grand-père était magistrat. Mes parents se sont rencontrés à Alger pendant la seconde guerre mondiale. Mon père avait été chargé de préparer le débarquement de Provence ». Puis, la famille s’installe à Monaco lorsque son père, Jean Ardant, est nommé gouverneur du palais princier. Adolescente, la jeune fille rêve déjà du métier de comédienne, mais ses parents l’encouragent à poursuivre ses études. Brillante élève, Fanny intègre l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence et étudie les relations internationales. Son diplôme en poche, elle reçoit la bénédiction de ses parents pour suivre sa passion et s’inscrit à des cours d’art dramatique.
«Comme moi, François Truffaut mettait l’amour au-dessus de tout.»
DÉBUTS PROMETTEURS & SUCCÈS TÉLÉ
Fanny Ardant choisit donc d’embrasser une carrière artistique : « Très tôt, j’ai su que je voulais être actrice, j’étais animée par la conviction que ce qui est beau doit se partager, que ce qu’on lit tout bas doit être dit tout haut. Cela m’a ramenée à moi, j’ai abandonné l’idée de me jeter dans de grandes causes, avec une forme de honte d’ailleurs car je m’étais choisie. » La jeune comédienne, dont la voix se prête à merveille à la tragédie, débute alors sur les planches au sein de la troupe du metteur en scène Dominique Leverd, en 1974. Elle traverse le répertoire classique à l’affiche de nombreuses pièces mais les débuts sont difficiles et l’actrice cumule les petits boulots. En 1979, Fanny Ardant est l’héroïne d’un feuilleton en six épisodes, Les Dames de la côte, réalisé par Nina Companeez et diffusé sur Antenne 2. Le succès est immédiat et la révèle alors au grand public.
FRANÇOIS TRUFFAUT & LE 7E ART
Remarquée par le réalisateur François Truffaut, elle tourne sous sa direction La femme d’à côté face à Gérard Depardieu en 1981. Ce rôle lance définitivement sa carrière au cinéma et ouvre la voie à de nombreuses collaborations prestigieuses : Alain Resnais (Mélo), Costa-Gavras (Conseil de famille), Ettore Scola (La Famille), Sydney Pollack (Sabrina)… En 1996, l’actrice montre une autre facette de son talent dans la comédie Pédale douce de Gabriel Aghion, qui lui vaut de rafler le César de la meilleur actrice 1997. L’actrice tourne également avec Claude Berri dans La débandade en 1999, et ne cesse de diversifier ses rôles (Huit femmes, L’Odeur du sang, Trésor, Les beaux jours…). En 2016, l’actrice retrouve la réalisatrice Paule Muret, vingt-cinq ans après Rien que des Mensonges, et tourne sous sa direction For this is my body. Le 28 février 2020, elle remporte le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour son rôle dans La Belle Epoque. En février 2021, elle reçoit une nomination pour le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour ADN.
THÊATRE & RÉALISATIONS
Parallèlement, la comédienne passe derrière la caméra et réalise son premier film, Cendres et sang en 2009. Dernièrement, elle a présenté Le Divan de Staline avec son complice et ami Gérard Depardieu. Fanny Ardant revient régulièrement à ses premiers amours, le théâtre, pour y incarner des personnages forts tels que Maria Callas (Master Class en 1997), Sarah Bernhardt (Sarah en 2002) ou encore Jeanne d’Arc (Jeanne d’Arc au bûcher en 2010). En 2016, elle est l’affiche de la pièce Croque-monsieur de Marcel Mithois avec Bernard Menez et Michael Cohen. Dernièrement, on l’a retrouvée sur les planches pour Hiroshima mon amour, d’après Marguerite Duras, mise en scène Bertrand Marcos, puis dans La Passion suspendue de Marguerite Duras, mise en scène Bertrand Marcos au théâtre de l’Œuvre en 2019.
«Ce qui est beau doit se partager.»
UNE FEMME AMOUREUSE & UNE MÈRE
Côté vie privée, Fanny Ardant est mère de trois filles. Sa fille aînée, Lumir, est née en avril 1975 de son union avec le metteur en scène Dominique Leverd. Puis, l’actrice rencontre François Truffaut sur le tournage de La femme d’à-côté. Ensemble, ils ont une fille, Joséphine, née en septembre 1983. Mais le réalisateur est emporté par une tumeur au cerveau en octobre 1984. Fanny Ardant retrouve l’amour au bras de l’acteur italien Fabio Conversi et donne naissance à une troisième fille, Baladine en avril 1989. Des maternités évoquées avec notre confrère du journal Le Monde : « Les enfants ont été ma planche de salut. J’ai élevé mes trois filles seule, ça m’a donné envie de vivre, même si je suis toujours restée femme. Etre mère m’a empêchée de m’enfoncer. Ça m’a sauvée et ça m’a permis d’arriver où j’en suis quels que soient les épreuves, les chagrins, les échecs. »
NE JAMAIS RENTRER DANS LE RANG
Parce qu’elle est également passionnée d’histoire et de politique, l’artiste détonne car, à 71 ans, elle a toujours et plus que jamais un franc parler, une liberté, bien loin de la pensée unique. Philippe Besson la qualifie même de « punk ». Ce à quoi, elle répond dans Marie-Claire : « Les autres me pensent punk car avant de me connaître ils pensaient conformisme » et « On subit tous une forme de pouvoir. Dans mon film sur Staline, c’est ce que je voulais montrer. Dans la mémoire collective, Staline c’est la terreur. Mais dans nos démocraties, tout le monde subit un pouvoir, des gens se suicident au travail. Que devient-on devant ce pouvoir ? On s’agenouille ? C’est pour ça que j’aime les personnes très âgées. Leur plus grande qualité c’est l’insolence, plutôt que de se faire pardonner d’exister ou de rentrer dans le rang. »
AIMER & VIVRE INTENSEMENT
Fanny Ardant aime la vie, intensément et plus que tout. Ce qui compte pour elle, c’est sa famille, ses amis, ses rôles, ses créations : « D’avoir été très malheureuse m’a rendue meilleure, c’est comme si je me délestais de ma colère. Les plus grands naufrages de ma vie ont été les gens que j’ai perdus, mais j’ai compris que ce n’était pas pour cela que je n’aimerais plus la vie. C’est difficile à tuer la vie » explique-t-elle dans une interview au magazine Gala. Profiter de chaque instant comme s’il était le dernier, voici la philosophie de vie d’une des plus grandes actrices françaises, tour à tour joyeuse ou plus grave, mélancolique ou rieuse, dans le combat ou le lâcher prise, mais toujours à fond et jamais dans l’à peu près. Certainement la définition et le secret de son immense talent. V.D.