Le périnée joue un rôle essentiel dans notre épanouissement féminin. De la souplesse et du tonus de ce « hamac de muscles » dépendent notre équilibre postural, notre ancrage et notre plaisir. Entretien pour comprendre et apprendre à le (re)découvrir avec bienveillance aux côtés d’Efféa Aguiléra.
Pourquoi ce livre consacré à la sexualité féminine et plus particulièrement au périnée ?
Efféa Aguilera : L’un des objectifs de ce livre est, en effet, d’amener aux femmes un autre regard sur leur périnée et aussi sur leur sexualité. Pour moi, la conscience que nous avons de notre périnée, la finesse de son ressenti, sa dextérité dans sa mobilité, sa souplesse sont des éléments de sensualité, de plaisir, de délicatesse et d’intensité dans l’intimité. Mes écrits visent aussi à faire sortir de la notion de « simple mécanique locale » à propos du périnée pour aller vers le vécu d’une globalité. Car dans le corps humain, tout est lié avec tout, il n’y a aucune partie du corps qui peut se dissocier de la globalité, ni de notre jardin intérieur, de ce qui se passe dans notre vie, notre cœur, nos émotions, nos croyances, nos liens dans l’amour. Et bien sûr, la relation intime à soi et à l’autre est directement concernée par cette globalité. Cette conscience ouvre des espaces d’harmonie. Périnée et sexualité ne peuvent, en effet, se dissocier.
Qu’est-ce qu’un périnée en pleine santé ?
E.A. : Un périnée en pleine santé est un périnée mobile, souple, vivant, « respirant ». Il bouge à chacun de nos mouvements en harmonie avec tout notre corps. Il est connu et reconnu par la femme. Il se modifie légèrement pendant les cycles menstruels et se transforme au fil de la vie. Il remplit ses fonctions de continence et d’élimination, il accueille et vibre à l’amour, se transforme au fur et à mesure de la grossesse pour se laisser traverser lors de l’accouchement et revenir à sa place tranquillement dans les mois qui suivent. Tout cela me semble essentiel car, dans cette vision où tout est physiologiquement « normal », les femmes sont en adéquation avec leur corps, peuvent s’écouter et se respecter. Elles s’aiment et s’autorisent à être pleinement elles-mêmes.
« Notre périnée est notre base, notre lien à la terre, stratégique dans notre posture. »
Pourquoi un périnée en pleine santé est-il essentiel à notre équilibre féminin général ?
E.A. : Votre question pourrait aussi se poser dans l’autre sens : pourquoi un équilibre féminin général est-il essentiel à un périnée en pleine santé ? Cela repositionnerait le périnée à sa juste place, non pas celle de la cause de nos maux, mais à celle de la conséquence de notre façon de vivre, nos croyances, notre ignorance, etc. Cela nous remettrait dans notre responsabilité plutôt que dans une posture où nous subissons ce que notre périnée nous inflige. Ce faisant, nous reprenons notre pouvoir intérieur, car ainsi, notre périnée n’aurait plus à s’adapter ou se suradapter en permanence, ce qui l’épuise et nous aussi. Dans cette suradaptation, le plancher pelvien finit par ne plus assurer ses fonctions. Toutes sortes d’émotions et sentiments assaillent alors les femmes, de la honte, à la peur de faire pipi en toussant ou en courant, peur de la vieillesse, perte de confiance en soi, éventuelle désagrément dans la relation intime, doutes, douleurs, etc. Nous le rendons responsable de ce qui nous arrive alors qu’il n’est, d’après moi, que le symptôme d’un dysfonctionnement général. C’est ça le principal message que j’ai à transmettre.
Thérapeute psychocorporelle et danse thérapeute en Expression Sensitive, Efféa Aguiléra invite les femmes à redécouvrir la puissance naturelle de leur périnée, à renaître pleinement à elles-mêmes et à vivre leur potentiel de guérison intérieure. Formatrice et conférencière, elle est aussi l’auteure de « Rituels de femmes pour découvrir le potentiel du périnée » (Le Courrier du Livre).
Donc, le périnée n’est pas la cause de nos soucis, mais plutôt la conséquence ou le symptôme ?
E.A. : Oui, un périnée en santé est la base de la confiance en soi, de l’authenticité, de l’accueil et aussi d’une capacité à poser des limites claires, des « oui » et des « non » qui viennent d’une conscience de soi aiguisée parce que la personne est installée dans ses ancrages et dans son bassin. Sans cela, elle est déboussolée au propre comme au figuré. Les femmes ont, en effet, tellement appris au fil des temps à faire plaisir, à répondre aux besoins de tous, à s’adapter voire se suradapter qu’elles en ont perdu leur boussole intérieure. Leur équilibre en est perturbé tout autant que leur périnée. Car si l’adaptabilité est la principale qualité du périnée, elle peut devenir son principal défaut s’il y a suradaptation.
Vous dépassez largement la simple mécanique de la question pour nous expliquer le rôle émotionnel du périnée. Expliquez-nous.
E.A. : Le système reproducteur féminin tout comme le plancher pelvien sont délicats, mœlleux, sensibles, réactifs, tout autant que notre cœur par exemple ou que notre ventre. Ils réagissent aux différents états émotionnels, que ce soit la joie, l’enthousiasme, l’amour, tout comme au stress, à la fatigue, aux chocs. En être consciente favorise la compréhension de soi et les ressentis intérieurs et corporels. Cela nous permet de prendre soin avant que les signaux physiques ne prennent place. Françoise Dolto disait que lorsqu’une partie du corps n’est pas représentée dans le schéma corporel inconscient et qui plus est si cette partie a vécu un choc ou un traumatisme, elle se signale le plus souvent par un dysfonctionnement ou par de la douleur. Or, du fait de tabous et de méconnaissance notamment, le périnée est souvent absent du schéma corporel conscient et inconscient chez les femmes. Beaucoup ne savent pas où il se trouve, ni comment il est fait, ni sa taille. Elles ne se le ressentent pas, n’ont aucune idée de sa mobilité, sa dextérité. De plus, beaucoup de femmes ont subi des agressions ou des peurs d’être agressées ou bien elles portent les mémoires de leurs mères, grands-mères, etc. L’accouchement s’il est vécu sans conscience ou sans choix réel de comment mettre un enfant au monde peut aussi être vécu comme un traumatisme par certaines (les langues se délient enfin sur ce que l’on appelle aujourd’hui la violence obstétricale.) Se trouvent alors rassemblés les éléments pour que s’expriment désordres ou douleurs. Ce qui, dans ma vision ou dans celle de Françoise Dolto, est une tentative pour appeler l’attention, la demande d’aide, le besoin de faire un chemin de conscience.
Vous expliquez que notre inconscient s’exprime à travers notre corps….
E.A. : Oui, c’est pourquoi « Réparer » la simple « mécanique globale » ne suffira pas, ou pas longtemps et ne résoudra pas l’appel de l’inconscient à mettre à la lumière du conscient, à transformer, à être dans notre axe. Je crois que c’est cela qui se passe : notre périnée est notre base, notre lien à la terre, stratégique dans notre posture. Notre équilibre intérieur appelle un changement de posture pour elles-mêmes et aussi dans le monde, une guérison des blessures émotionnelles de leur histoire et de l’histoire des femmes, la fin de la croyance dans ce qui leur est dit à l’extérieur pour être enfin dans leur « pouvoir » de femmes, dans un équilibre ajusté avec les hommes. Le monde change avec les femmes aujourd’hui. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous aligner dans ce mouvement, chacune pour elle-même et toutes ensemble.
Comment faire pour entretenir son périnée au quotidien ?
E.A. : C’est une question délicate pour moi car avant de faire quoique ce soit, il serait précieux que chacune ressente quels sont ses besoins corporels et aussi émotionnels, énergétiques et subtils peut être. Donc ce serait sans doute cela « entretenir » son périnée au quotidien : être en relation avec ses sensations globales et avec celles de son périnée. Car je crois que c’est différent en fonction des saisons, des périodes de fatigue ou de grande forme, de la période de vie par exemple. Je pense qu’une belle façon de faire le point, de se respecter, de s’aimer et aussi de prendre soin pourrait se faire de la façon suivante : Chaque jour, matin et soir poser une main délicate et tendre entre ses jambes, sur toute la surface de son périnée comme pour dire bonjour ; se rendre disponible quelques minutes et écouter, comme on écoute son cœur. J’invite à ne pas chercher à faire quelque chose de précis, ni de chercher à améliorer ou rendre plus comme ci ou comme ça, mais à s’offrir un vrai temps d’écoute de plusieurs semaines (tout un cycle par exemple) ou de plusieurs mois, de se laisser surprendre, de s’offrir ce temps de contact avec son intime en étant totalement disponible à soi.
L’important c’est donc de se consacrer des moments de « présence à soi » ?
E.A. : Oui c’est essentiel. Deux ou trois minutes suffisent qui peuvent s’étendre plus longtemps occasionnellement en état de relaxation si c’est possible. Ce serait sans doute très intéressant de noter chaque jour quelques mots sur son ressenti ou bien sur les pensées ou images ou émotions qui émergent pendant cette écoute. Car il me semble évident qu’on ne peut pas résoudre en quelques jours ou deux rendez-vous ce que l’on a mis parfois 20 ou 30 ans à mettre en place. La présence à soi est essentielle, je crois. Ensuite, en fonction des messages intimes, chaque femme disposera des éléments recueillis pour aller sur son chemin et être dans sa justesse. Car je crois sincèrement qu’il n’y a pas une réponse pour toutes les femmes, mais bien une réponse pour chacune qui est sa réponse propre, en fonction de qui elle est, comment elle vit, ce qu’elle vit en ce moment, ses aspirations, ce qu’elle aime, etc. Dans les périodes de changement, de turbulences, reprendre ces rituels quotidiens serait à n’en pas douter de nouveau bienvenu.
Qu’apporte un périnée bien musclé en termes d’intimité sexuelle ?
E.A. : Pour moi, cette idée qu’un périnée bien musclé serait un plus en termes de sexualité ou de plaisir est aussi une croyance. Pour certaines femmes, c’est le cas, pour d’autres ça ne l’est pas. Je fais, en effet, une nuance importante entre « bien musclé » et la notion de souple et mobile, comme pour tous les muscles du corps et plus globalement pour l’organisation musculaire globale. La mobilité, la dextérité et aussi la souplesse des muscles du plancher pelvien ont une influence majeure dans la relation intime. Notre ressenti de notre petit bassin influence à n’en pas douter notre plaisir. Toutefois, il y a mille façons d’aimer. Le plaisir féminin peut se vivre dans la détente, l’accueil, le moelleux, la lenteur, voire l’extrême lenteur comme nous le dit le tantra ou le slow sex, tout autant que plus instinctivement avec élan et force en fonction de ce qui se vit pour la femme ou dans le couple. Si le périnée est mobile, vivant et « respirant » dans le quotidien, il le sera dans l’intimité à la fois dans la disponibilité et l’accueil tout comme dans ses limites. Car l’intimité c’est aussi pouvoir dire oui ou non, ou je ne sais pas, ou pas maintenant ou pas comme cela. Cette fluidité et cette authenticité d’une base consciente ouvre l’espace de dialogue des corps à l’harmonie. Chacune de nous est si unique et si multiple, quelle chance ! Et chaque couple a sa ou ses façons propres de se rendre sur le chemin du plaisir, de se laisser surprendre, de s’inviter à la sensualité.
En quoi consiste votre métier, votre approche de l’autre ?
E.A. : Mon métier consiste à ouvrir des espaces de présence à soi, des espace d’exploration par le corps (car si le corps résiste parfois, il ne ment jamais), à guider sur un chemin de conscience. Il consiste à ce que chacun contacte ses ressources propres, son vocabulaire, sa vérité et puisse vivre ou revivre en conscience différentes notions essentielles à l’harmonie de l’adulte qu’il est. Mon métier consiste aussi à travailler ce « terrain » corporel et émotionnel, rétablir les équilibres des axes et des chaînes musculaire, fluidifier les différents liens dans le corps tout en étant conscients de ce qui se joue. C’est à chaque fois un travail « cousu main », de la dentelle que je propose. Je n’ai pas de recette, mais j’offre un regard différent, humain et de bon sens, je crois, autant que des outils concrets ou subtils.
Votre mission consiste à aider les femmes à vivre leur plein potentiel de guérison intérieure. Comment les accompagnez-vous dans cette voie ?
E.A. : Être dans son plein potentiel de guérison intérieure, c’est être en contact avec ses ressentis, son bon sens et de se faire confiance. J’accompagne suivant trois axes qui se font parallèlement. Le premier est de rétablir l’équilibre corporel, postural et l’harmonie des chaînes musculaires. Le second est la conscience corporelle et aussi celle de ce que nous faisons ou de ce que nous nous faisons. Il s’agit d’une combinaison de pratique corporelle, de mouvement sensitif et de temps de parole. Certaines femmes prennent conscience à ce moment-là de ce qu’elles se font subir, de leur niveau d’exigence avec elles-mêmes par exemple ou de leur ignorance. Le 3e axe est la libération des mémoires de souffrance, croyances limitantes et des éventuels diktats qui entravent la fluidité, l’authenticité avec soi-même et la féminité. Mes « outils » principaux ici sont l’art-thérapie, notamment la danse thérapie et les rituels. Je pratique essentiellement en groupe car l’énergie du groupe est très porteuse, mais aussi en individuel.
« La mobilité, la dextérité et aussi la souplesse des muscles du plancher pelvien ont une influence majeure dans la relation intime. Notre ressenti de notre petit bassin influence à n’en pas douter notre plaisir. »
Si nos lectrices ne devaient retenir qu’un message essentiel de votre livre, comment le résumeriez-vous ?
E.A. : Le message essentiel serait sans doute : faites-vous confiance, écoutez-vous, croyez-vous vous-même, soyez au plus proche vous-mêmes et de votre vérité personnelle, aimez-vous. Toutefois, il me semble essentiel que cela ne devienne pas un nouveau diktat, une nouvelle exigence, celle d’aller bien à tout prix, d’être heureuse, sensuelle et sexuellement épanouie absolument. Une de mes phrases préférées est « il n’y a rien à réussir, rien à rater » et l’autre « imaginez votre périnée qui regarde la terre et la terre qui le regarde ». Se les dire en boucle ou les écrire dans plusieurs endroits chez soi pose et transforme. Essayez !
Et votre propre recette du bonheur ?
E.A. : Je ne sais pas si j’ai une recette du bonheur. Pour ce qui me concerne, j’ai besoin de justesse, de transparence, de simplicité. Ces besoins fondamentaux me permettent de trouver un équilibre entre mes envies d’actions, de relations et aussi mes besoins de solitude et de silence. Il s’agit d’un équilibre en perpétuel mouvement à la fois pour ma vie personnelle, familiale que professionnelle. C’est l’alignement entre ce que me dit mon cœur, ce que je perçois intuitivement et ce qui se vit dans la matière, c’est-à-dire mon corps et mon quotidien, qui m’apporte à la fois la justesse et le bien-être. Car parfois, une intuition se concrétise rapidement et d’autres fois, j’ai tout un chemin intérieur et dans la matière à faire avant que cela prenne forme. J’ai appris lors de la traversée d’une importante maladie ce que veut dire le lâcher-prise et aussi ce que je veux dire tenir bon, c’est-à-dire, la quiétude dans la persévérance.
Propos recueillis par Valérie Loctin.
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