Dans son dernier livre consacré au mal de dos, le Dr Bernadette de Gasquet vient à notre secours, avec un programme personnalisé de renforcement, d’assouplissement et de détente. Rencontre pour comprendre comment éviter ou faire face aux douleurs les plus fréquentes.
Peut-on vraiment en finir avec le mal de dos à condition d’apprendre à mieux bouger et d’utiliser les bonnes postures ?
Dr Bernadette de Gasquet : Oui, mais avec un petit bémol cependant. On peut en finir en effet avec le mal de dos « ordinaire ». En revanche, si vous avez des métastases osseuses ou une maladie dégénérative, je ne fais pas de miracle ! Quant à dire que si on bouge, tout va bien, c’est certes à la mode, mais ça me dérange un petit peu. Il faut surtout apprendre les bons placements de base, car on ne bouge pas tout le temps. On travaille souvent assis devant un bureau, on dort la nuit… Donc il faut bien entendu apprendre à mieux bouger, mais il faut aussi et surtout être bien positionné, tout le temps !
Vous avez créé une approche posturo-respiratoire. Pouvez-vous nous l’expliquer en quelques mots ?
Dr B.d.G. : Déjà, il faut comprendre que tout est issu du yoga. Je n’ai pas inventé les postures. Mais comme le yoga est un univers immense, ce n’est pas tout le yoga, mais sa partie « postures & respiration » qui nous intéresse ici. Pour moi, la respiration dépend de la posture. Il faut donc d’abord avoir une posture juste et, à ce moment-là, la respiration va être libérée. Et la respiration va elle-même façonner la posture et faire travailler toutes les fonctions intérieures (respiration, digestion, énergie…). C’est donc tout un travail basé sur les postures, dans toutes les positions de base, mais aussi sur la respiration qui va du nez au périnée, en passant par les abdominaux qui sont des muscles expirateurs.
Vous expliquez que le mal de dos est d’abord un problème de gravité. D’où l’intérêt pour chacun de bien comprendre son corps, y compris les enfants dès l’école ?
Dr B.d.G. : L’enfant dans son jeune âge n’a pas de souci particulier pour s’assoir par terre, se relever et se tenir droit. C’est très naturel chez lui. Ça va se gâter quand il va être contraint dans sa vie de tous les jours, c’est-à-dire quand il sera mal assis à l’école, dans son transat, dans son siège auto, etc. Ce « faux confort » va déformer et déprogrammer l’enfant. Résultat, ça lui demandera un effort de revenir à des postures justes. Dans nos sociétés occidentales, ce sont vraiment nos positions assises qui sont une catastrophe, pour les enfants, les adolescents comme les adultes et les seniors, puisque ces mauvaises positions vont nous suivre toute notre vie si on n’apprend pas à les corriger.
Vous dites que de nombreuses pathologies des maux de dos s’expliquent par des confusions courantes de notre éducation physique. Des exemples à nous donner ?
Dr B.d.G. : On vous dit : « Vous avez mal au dos, vous devez renforcer vos abdos ». Oui, mais quels abdominaux ? Les gens pensent naturellement à ceux qu’ils peuvent facilement activer, c’est-à-dire les grands droits. Alors on se plie en avant, soit disant pour le dos, alors qu’on va en fait inverser les courbures et on va trop détendre les muscles. On dit aussi qu’il faut détendre la nuque, alors que la tête, elle est très lourde, alors plutôt que de la détendre, il vaudrait mieux la muscler. Le corps c’est une mécanique qui s’use et qui ne pardonne pas. C’est pourquoi, il faut apprendre à travailler les postures en pleine conscience, c’est-à-dire comprendre ce que je fais et pourquoi je le fais. Et se poser toujours la question : « Est-ce vraiment ce que je veux faire que je suis en train de faire ? » Donc c’est un travail en pleine conscience « corps-esprit ».
« Soyez actifs, le mal de dos n’est pas une fatalité. Vous pouvez, avec des exercices simples, vous étirer, renforcer votre dos et retrouver votre souplesse pour soulager vos douleurs ordinaires. »
Quand on regarde tous les visuels des placements justes dans votre livre, on mesure le nombre d’erreurs que l’on commet au quotidien. Comment faire pour adopter toujours la bonne posture ou position chez soi ?
Dr B.d.G. : Il est essentiel d’abord d’apprendre les bases auprès d’un professeur de yoga, d’un kiné ou d’un coach bien formé, pendant plusieurs séances. En fonction de votre morphologie, il va vous éduquer, vous faire prendre conscience de comment il faut vous tenir et bouger, en plaçant bien toutes les bases. Ensuite, vous pourrez intégrer des cours où vous apprendrez d’autres postures. C’est vrai qu’en Occident, on dénature souvent les postures. Je n’ai jamais vu un chat cambré ni un cobra la tête en arrière ! Théoriquement, le yoga s’appuie sur l’observation des animaux et leurs caractéristiques. Moi, j’ai eu la chance de rencontrer Jacques Thiebault, lors de ma troisième grossesse en 1980 aux assises du yoga à Avignon. Ce kinésithérapeute, professeur d’anatomie, véritable « chercheur en mouvement » analysait les principales postures du hatha yoga en se posant la question : pourquoi fait-on ça, qu’attend-on de la posture ? Le résultat est-il obtenu ? Sinon pourquoi ? Si la posture ne correspond pas à la personne, si les consignes sont mauvaises ou mal comprises, cela peut faire des dégâts. Nous avons donc collaboré ensemble pour proposer un yoga sans dégâts. Une fois qu’on a acquis ces placements de base, dont il ne faut vraiment pas faire l’économie, on pourra aller plus loin dans sa pratique du yoga. On ne peut pas faire de musique, si on n’a pas acquis les bases du solfège ! C’est un peu casse-pied les bases, mais après, on peut tout faire, y compris d’autres activités comme du hula hoop ou de la danse orientale !
Existe-t-il un repère pour éviter certaines erreurs de placements ?
Dr B.d.G. : Le repère permanent, à tout moment, doit être : « est-ce que ma respiration et est-ce que mon ventre bougent jusqu’en bas ? ». Dès que je ne peux pas respirer jusqu’en bas, que ma respiration est limitée, il faut que je me questionne « qu’est-ce qui ne va pas ? ». Alors, je me grandis, j’éloigne le bassin des épaules et ma respiration va se libérer. C’est pour cela que je propose beaucoup d’exercices avec table et chaise, parce que c’est pratique dans notre quotidien. Les animaux font tout cela très naturellement, ils s’étirent et ils baillent. Donc quand vous avez un travail sédentaire, assis des heures devant votre ordinateur, il ne faut pas simplement se lever toutes les 15 ou 30 minutes pour aller boire un verre d’eau comme je le lis souvent, il ne faut pas simplement bouger pour bouger, ce qui m’agace énormément. Non, il faut se questionner et faire les bons exercices très simples pour replacer sa respiration dans la posture et retrouver ainsi un bon placement.
Vous écrivez que le périnée est la clé du redressement. C’est-à-dire ?
Dr B.d.G. : C’est le fondement comme disent les anciens. Quand on va partir du bas, remonter et pousser ce redressement vers le haut, tout le grandissement part de cette base. Si on est avachi sur son sacrum, on ne peut pas respirer, on ne peut pas travailler les abdos, on ne peut rien faire.
Dans votre pratique, avez-vous pu constater que les femmes et les hommes qui pratiquent le yoga après 50 ans se tassent moins ?
Dr B.d.G. : C’est difficile de faire des statistiques parce que c’est plurifactoriel, mais on peut clairement dire qu’ils ont globalement meilleure allure, ils se tiennent plus droit, ils sont moins passifs, donc ils habitent mieux leur corps.
Parlons de la posture assise qui est le pire danger pour le dos d’après vous. C’est dans cette position que l’on commet tous le plus d’erreurs au quotidien ?
Dr B.d.G. : Oui, parce que les chaises sont toutes mal fichues et qu’il n’en existe pas une seule qui soit bonne pour tout le monde. Idem pour les fauteuils de train et d’avion ou les canapés profonds… Il y a donc toujours un risque, parce que dans la gravité, il faudrait faire travailler les muscles antigravitaires. Or quand on est assis et tassé, on se repose, donc on relâche le ventre, on relâche le dos, etc. Si on était assis soit par terre, soit sur des sièges très bas, le dos se placerait naturellement, puisqu’on n’aurait pas de raison de s’avachir. Il faudrait pouvoir toujours régler la hauteur de son bureau mais aussi de sa chaise, pour avoir le bon placement, et cela dès l’école. Vu que les chaises ne sont pas souvent adaptables, ce que j’ai trouvé de moins compliqué, c’est la fameuse galette, mais ça ne suffit pas, puisqu’il faut aussi que la chaise soit à la bonne hauteur.
Doit-on conseiller aux plus de 50 ans de s’équiper d’une galette ?
Dr B.d.G. : C’est toujours difficile et délicat de conseiller à tout le monde la même chose. C’est cependant un outil hyper intéressant qui a beaucoup d’usages, mais qu’il faut apprendre à bien utiliser. Pour les femmes les plus cambrées qui souvent croisent les jambes à cause de cela, on placera la partie haute de la galette vers l’avant de la chaise. Et pour les hommes qui sont très rétractés, très assis sur leur bassin, on peut la placer dans l’autre sens. Les chaises sont souvent un peu trop hautes pour les femmes. Donc, soit elles sont tassées en arrière, soit elles se cambrent. En croisant les jambes, naturellement, sans s’en rendre compte, on élimine cette cambrure, ça tient le dos tout seul et on n’a plus d’effort à faire. Mais croiser les jambes, qui plus est, souvent dans le même sens, ça fait vriller le bassin et ça entraîne des douleurs dans le bas du dos. D’où l’intérêt de la galette qui, bien positionnée, permet de retrouver la bonne posture assise au bureau, dans la voiture, sur le canapé, etc. Ce qui est pas mal avec la galette, c’est qu’en changeant de sens, elle s’adapte à toutes les courbures.
« Le repère permanent, à tout moment, doit être : « est-ce que ma respiration et est-ce que mon ventre bougent jusqu’en bas ? ». Dès que je ne peux pas respirer jusqu’en bas, que ma respiration est limitée, il faut que je me questionne « qu’est-ce qui ne va pas ? »»
Parlons du sommeil. Est-ce meilleur de dormir sur le dos, sur le ventre ou sur le côté ?
Dr B.d.G. : Pour les plus de 50 ans, quand on commence à avoir des problèmes d’apnées du sommeil, être sur le dos est plus confortable pour mieux respirer. Sur le ventre, le problème, c’est que les femmes trop cambrées, vont forcément se réveiller en ayant mal au dos. Dormir sur le côté est plus stable, on respire bien, parce qu’on peut mieux se placer, à condition de remonter une cuisse. On peut utiliser un coussin en microbilles, qui n’est pas utile que pour l’allaitement ou la maternité. En réalité, c’est un coussin de positionnement qui est vraiment très efficace et qu’on peut utiliser à tout âge, de plein de manières, pour dormir, pour faire du yoga ou du Pilates. J’ai commencé à les utiliser en 1993. Il en existe de nombreux sur le marché, donc il faut choisir le bon.
Vous conseillez vraiment à tout âge de pratiquer la posture de la chaise. Pourquoi, parce qu’elle est antalgique, donc efficace contre les douleurs de dos ?
Dr B.d.G. : Tout le monde a une chaise. Ça ne coûte rien. Vraiment, ça permet de relâcher toutes les tensions parasites et d’avoir un dos parfaitement neutre, le plus étiré possible. Si vous êtes un peu bossu, vous aurez besoin d’un oreiller en plus. Si vous avez une scoliose, il faudra mettre un tapis sous le dos. Mais c’est très simple et c’est vraiment magique. Par ailleurs, après une séance de sport, je recommande de rester 10 minutes au calme pour attendre que les muscles reviennent à leur état de base avant de démarrer les étirements. Je conseille aussi les automassages en solo et les massages familiaux, à pratiquer à deux, parce qu’ils font beaucoup de bien et aident à soulager le dos. Vous en trouverez de nombreux exemples dans le guide expliqués en détails.
L’originalité de votre livre tient aussi aux QR codes qui donnent accès à des vidéos explicatives…
Dr B.d.G. : Oui, c’est la grande nouveauté de ce livre en effet. En plus des 400 photos et schémas qui expliquent chaque posture et chaque placement, je propose une trentaine d’exercices en vidéo, accessibles par QR codes. Tout le monde est de plus en plus connecté, donc c’est très utile pour être guidé dans sa pratique au quotidien.
Un dernier message pour nos lecteurs ?
Dr B.d.G. : Oui, j’aurais voulu appeler mon livre « Faire face au mal de dos », pour dire soyez actifs, vous pouvez agir face à vos douleurs. L’éditeur a préféré l’appeler « Pour en finir avec le mal de dos ». C’est un ouvrage éducatif. Je veux vraiment que les gens soient armés pour se défendre. Donc, c’est ça le message : soyez actifs, le mal de dos n’est pas une fatalité. Vous pouvez, avec des exercices simples, vous étirer, renforcer votre dos et retrouver votre souplesse pour soulager vos douleurs ordinaires. Oui, vous pouvez faire face au mal de dos de façon durable et active. C’est à la portée de tous !
Propos recueillis par Valérie Loctin.
Plus d’infos sur degasquet.com et sur Facebook : @degasquetinstitut Galettes & coussins disponibles et en vente sur la boutique physiomat.com
A lire : La méthode de Gasquet
Ce livre va vous permettre de prendre conscience de la nécessité de bien bouger dans les gestes les plus quotidiens, prévenir et soulager les crises, éviter les récidives, vous muscler et vous étirer sans faire souffrir vos articulations. Vous allez découvrir, au fil des pages, des exercices simples et bien détaillés, adaptables par tous, en fonction des morphologies ou des limitations grâce parfois à des petits accessoires. Et même, si aucun mouvement n’est possible, un travail très profond, par visualisation, permettra de garder une musculature prête à fonctionner. Laissez-vous guider par les 400 photos et schémas et par une trentaine de vidéos, accessibles par QR codes, pour une pratique guidée directement par le Dr Bernadette de Gasquet.
« Pour en finir avec le mal de dos » du Dr Bernadette de Gasquet, Albin Michel, 256 p., 22 €.