Conçu pour accompagner chaque femme, quels que soient son âge et ses convictions, tout au long de sa vie, de la puberté à l’après-ménopause, le dernier livre du Dr Anne de Kervasdoué répond de façon claire, détaillée et rassurante à toutes les questions que nous nous posons au quotidien, à commencer par celles de notre rédaction.
Médecin gynécologue depuis plus de 35 ans, pourquoi ce nouveau livre ? Pour faire le point sur les découvertes les plus récentes en matière de gynécologie et les évolutions en matière de sexualité ?
Dr Anne de Kervasdoué : D’abord, c’est à la demande d’Odile Jacob, mon éditrice, qui trouvait que ce livre très complet manquait, compte tenu des progrès qui ont été faits sur la santé des femmes, de l’évolution des femmes aussi, notamment les plus jeunes, qui sont devenues plus exigeantes et plus méfiantes vis-à-vis de la médecine, des médicaments et des hormones. On sent aujourd’hui chez les jeunes femmes une demande vers plus de naturel qui revient en permanence.
Elles ont l’impression de contrarier la nature en prenant la pilule. Pour le traitement hormonal, ces inquiétudes sont antérieures, en raison de l’étude américaine parue en 2000 sur les risques de cancer du sein. Mais j’imagine que nous reviendrons plus tard sur cette question. J’ai souhaité également écrire ce livre pour transmettre des messages et des informations. Je trouve que les femmes sont insuffisamment formées à la compréhension de leur corps et surtout mal informées, en raison des rumeurs et des fake news.
Donc, je voulais corriger ces idées reçues et ces rumeurs anxiogènes qui circulent sur internet, car elles les inquiètent ou les rendent perplexes, mais aussi sensibiliser les femmes à tous les sujets qui les concernent dans leur intimité (l’épigénétique, l’évolution de la sexualité, la perception de l’identité sexuelle, etc.).
Comment expliquer, alors que la médecine de la femme ne cesse de progresser, que l’intimité reste toujours un sujet tabou et difficile à aborder et que les femmes aient toujours une si grande méconnaissance de leur corps ?
Dr A.d.K. : Au fond, en matière d’éducation, au cours de la scolarité, il n’y a pas eu d’évolution avec les années. On ne donne aucune information sur la sexualité. Même le clitoris – c’est fou – cela ne fait que quelques années qu’il est représenté dans les manuels scolaires.
C’est un sujet qui gêne toujours autant les professeurs qui ont peur des reproches des parents. La sexualité reste tabou. Durant l’enfance, on ne forme pas assez à la compréhension du corps, ni l’école, ni les parents. Il y a un déficit d’information.
Or, ce serait essentiel de parler et donner des explications simples pendant l’enfance et la scolarité, avant l’adolescence. C’est pour moi une éducation de base qui éviterait bien des inquiétudes par la suite.
«Durant l’enfance, on ne forme pas assez à la compréhension du corps. Ce serait essentiel de parler et donner des explications simples pendant l’enfance et la scolarité, avant l’adolescence. C’est une éducation de base qui éviterait bien des inquiétudes par la suite.»
En matière de contraception, on a vu de nombreuses évolutions avec un large choix. Que dire à une femme pour bien la choisir ?
Dr A.d.K. : Dans ma pratique, je fais du cas par cas. C’est à la fois intuitif et individuel. Face aux toutes jeunes par exemple, qui refusent la pilule car elles ont lu ou entendu des rumeurs – que ça pouvait rendre stérile ou entraîner un cancer du sein – je démonte progressivement toutes ces idées fausses avec des arguments scientifiques, et après je leur donne toutes les bonnes raisons de prendre la pilule.
Outre la contraception, je leur explique qu’elles n’auront plus de douleurs pendant les règles, qu’elles auront des cycles réguliers, qu’elles n’auront pas d’excès de pilosité, plus d’acné et une plus jolie peau, et que ça pourra calmer une endométriose naissante. Ce sont déjà gros arguments, mais en plus la pilule protège contre les cancers importants, du côlon, de l’utérus et des ovaires, et elle est neutre sur le cancer du sein.
Toutes les études démontrent cette protection et je le vois clairement chez mes patientes que je suis depuis des années et qui ont pris la pilule très jeune. En général, après toutes ces explications, mes patientes sont à la fois convaincues et rassurées.
Si vous aviez leur jeune âge, quelle contraception prendriez-vous aujourd’hui ?
Dr A.d.K. : Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il y a une solution pour chaque femme, en fonction de son âge, de son profil, de son mode de vie et de ses antécédents familiaux. Moi si j’avais leur âge, je prendrais l’anneau vaginal, puisqu’il n’y a plus la contrainte lassante de prendre tous les jours la pilule.
Ça se fait tout seul et il suffit de le changer une fois par mois. Et puis, pour celles qui veulent être encore plus libres, il y a l’implant, qui est fait à base de progestatifs et qui vous assure une contraception pendant trois ans sans rien faire. Il y a toutes sortes de méthodes adaptées à chacune. Il y a une contraception pour chaque femme.
Que dire aux femmes qui arrivent à l’âge de la péri-ménopause sur le sujet du traitement hormonal substitutif de la ménopause, qui lui aussi suscite des questionnements et des inquiétudes ?
Dr A.d.K. : D’abord, quand elles viennent me voir à mon cabinet, je leur demande de quoi elles souffrent, quels sont les symptômes gênants. Je les aide en énumérant les différents effets de la ménopause. Elles sont très faciles à convaincre quand elles ont des bouffées de chaleur très invalidantes et des sueurs nocturnes excessives.
Je leur dis que je veux bien leur donner pour commencer des compléments alimentaires, des petites plantes qu’elles peuvent essayer, mais je leur fais comprendre que le seul traitement de ce fléau pour les femmes c’est le traitement hormonal.
Et pour celles qui ont moins de symptômes ?
Dr A.d.K. : Les plus difficiles à convaincre en effet, ce sont celles qui ont peu de symptômes, et qui ne voient pas l’intérêt d’un traitement (environ ¼ des femmes n’ont pas d’effets très gênants comme les bouffées de chaleur). A celles-là, je leur dis qu’il y a de nombreux effets dans leur corps qu’elles ne voient pas. D’abord sur leur cœur : il y a un taux de mortalité par accident cardiovasculaire de plus en plus important chez les femmes entre 50 et 60 ans.
Une femme privée d’hormones se trouve à égalité avec un homme en termes de risque, mais l’infarctus chez une femme est beaucoup plus difficile à diagnostiquer, beaucoup plus grave et plus difficile à soigner. Un traitement hormonal, surtout avec un gel cutané, va donc protéger leur cœur, à condition de le démarrer très vite dès les premiers signes de la ménopause.
Quels sont les autres effets protecteurs du traitement hormonal ?
Dr A.d.K. : Le traitement hormonal protège aussi vos os. Une femme vit en moyenne 86 ans, si elle ne prend pas d’hormones pendant 30/35 ans, il y aura de forts dégâts sur ses os. Cela veut dire de l’ostéoporose et tous les risques de fractures comme celle du col du fémur. Celles qui ne sont pas encore convaincues, je leur fais faire une ostéodensitométrie osseuse. Enfin, il est clairement démontré que ce traitement hormonal est également bon pour notre cerveau et qu’il ralentit l’apparition de la maladie d’Alzheimer.
Il faut savoir que quand vous avez des bouffées de chaleur importantes, cela fragilise énormément votre cerveau. On le voit clairement sur les IRM. Bref, je ne force jamais personne à prendre un traitement hormonal substitutif de la ménopause mais j’explique tout en détails.
C’est vrai que les femmes de 50 ans aujourd’hui se sentent souvent en forme et ne comprennent pas l’intérêt d’un traitement quand elles ne souffrent pas de symptômes particuliers, mais elles doivent être informées de l’importance de la prévention et de l’effet protecteur de ce traitement sur leur santé future, afin de vieillir dans les meilleures conditions possibles.
Quelles solutions pour celles qui ne veulent malgré tout rien de chimique, seulement du naturel ?
Dr A.d.K. : Il faut d’abord tout leur expliquer et parler à leur cerveau rationnel, afin qu’elles aient les informations les plus complètes possibles, pour mettre en en balance les bénéfices et les risques de prendre ou de ne pas prendre ce traitement hormonal. Leur expliquer que le risque du cancer du sein est faible car il dépend du produit utilisé. Quand j’ai tout expliqué, rares sont celles qui ne sont toujours pas convaincues.
Pour celles qui restent réfractaires, il y a toutes les solutions à base de plantes que je détaille aussi dans mon livre, mais qui n’ont pas les mêmes effets protecteurs sur leur cœur, leur cerveau et leurs os.
«La plupart des patientes se sentent plus à l’aise avec une gynécologue femme, notamment à deux périodes de la vie : quand elles sont très jeunes et quand elles arrivent à la ménopause.»
Certaines femmes ont commencé ces traitements hormonaux mais les arrêtent en raison d’une prise de poids excessive en quelques semaines ou mois…
Dr A.d.K. : Sachez que c’est très rare. Ça vient de l’eau, car les oestrogènes peuvent chez certaines femmes entraîner de la rétention d’eau. Elles vont donc avoir la sensation de gonfler, mais c’est de l’eau, ce n’est pas de la graisse. La 2e raison, c’est quand une femme a commencé un traitement, alors qu’elle n’était pas encore ménopausée, dans ce cas, ça fait trop d’hormones d’un coup, et elle peut en effet prendre un peu de poids et gonfler.
Dans ce cas précis, il faut arrêter le traitement (pour le reprendre un peu plus tard) ou réduire la dose. Mais je le répète, c’est excessivement rare. La très grande majorité des femmes sous traitement de la ménopause prennent au contraire moins de graisse sur le ventre et sur les hanches.
La raison est simple, quand vous n’avez plus d’hormones, vous vous masculinisez, donc vous perdez votre taille et vous avez souvent plus de poils.
Avec la libération de la parole des femmes, est apparu le sujet des violences gynécologiques notamment durant l’accouchement. Quel est votre regard sur ce sujet ?
Dr A.d.K. : Ma réaction, c’est de dire que les choses se sont beaucoup améliorées. Il y a aujourd’hui un souci constant dans toutes les bonnes maternités du confort de la femme pour qu’elle ne souffre pas et qu’elle soit bien. On ne fait plus que 30% d’épisiotomies, seulement quand c’est nécessaire, et elles sont très réduites. On préfère aujourd’hui que ça se déchire un peu et faire deux points de suture que de faire une épisiotomie.
On fait aussi d’excellentes préparations à l’accouchement pour muscler le périnée, ce qui n’existait pas il y a encore trente ans. Sur un autre plan, par le passé, pour éviter tout risque en cas de saignements anormaux, on enlevait facilement l’utérus et les ovaires, alors que ce n’était pas nécessaire. Mais cette époque est terminée. Soyons positifs sur ce sujet, car les choses se sont vraiment améliorées.
Les femmes se sentent en général mieux comprises et plus rassurées avec une gynécologue femme. En tant que femme gynécologue, qu’en pensez-vous ?
Dr A.d.K. : A titre personnel, sur le plan gynécologique, je me suis suivie seule. A titre obstétrical, j’ai été suivie pour mes grossesses, par deux obstétriciens masculins, l’un en France, l’autre aux Etats-Unis, mais c’est vrai que j’avais peu de réponses à mes questions. Ensuite, j’ai été suivie par une femme et c’était toute autre chose.
C’était même le jour et la nuit ! Il est vrai que la plupart des patientes se sentent plus à l’aise avec une gynécologue femme, notamment à deux périodes de la vie : quand elles sont très jeunes et quand elles arrivent à la ménopause. Car à ces deux âges, elles ont des questions intimes à poser pour lesquelles elles sont moins à l’aise avec un homme.
Entre femmes, on peut se parler de tout, il n’y a pas de tabou. C’est un rapport de confiance totale, de sororité. Cela, je le vois clairement dans ma patientèle. D’ailleurs, j’ai beaucoup œuvré pour qu’il y ait plus de femmes gynécologues.
Le vrai problème n’est-il pas celui du manque de gynécologues dans notre pays ?
Dr A.d.K. : Vous avez entièrement raison, le vrai problème aujourd’hui, c’est celui de la désertification médicale, nous manquons vraiment de gynécologues médicaux en France. Souvent les femmes, par défaut, se font suivre par leur généraliste, mais le problème c’est qu’il ne palpe pas forcément les seins et ne fait pas de frottis, il ne fait que le prescrire.
Et quand aux labos, ils ne sont pas tous autorisés à faire des frottis et des examens gynécologiques. Si on ne trouve pas de gynéco, on peut aussi se tourner vers un obstétricien, mais il vous donnera certainement moins d’explications, car ce n’est pas sa spécialité première.
Il y a aussi les sage-femmes. Elles sont très bonnes pour tout ce qui concerne l’accouchement et aujourd’hui, faute de médecins, elles pratiquent aussi des examens gynécologiques de qualité. On n’a pas suffisamment poussé à la formation de gynécologues.
Ceux de ma génération prennent tous leur retraite et il n’y a personne pour les remplacer. Moi, ce n’est pas mon cas, car je n’ai pas l’intention de m’arrêter de travailler, j’aime trop mon métier !
De nombreuses femmes seniors se disent invisibles et complètement oubliées, car de nombreux gynécologues ne veulent plus les voir, passé le cap des 70 ans…
Dr A.d.K. : Alors là, ces médecins ont complètement tort, car c’est le moment où apparaissent le maximum de cancers du sein et des ovaires. 70 ans, c’est encore jeune et si elles ont toujours une sexualité, il faut aussi continuer les frottis. Après 70 ans, il est donc essentiel de continuer tous les dépistages.
Moi, j’ai plein de patientes de 70, 80 ans et plus. Je les vois, je les suis, ça les rassure. Il faut bien expliquer aux femmes qu’un cancer du sein, ce n’est pas grand-chose quand c’est tout petit. On l’enlève et on fait un peu de radiothérapie. En revanche, si on ne fait rien, c’est très grave, et ça peut être horrible.
Elles ne doivent surtout jamais se dire qu’à leur âge, ça ne vaut plus le coup de traiter. Il faut donc un suivi impératif des seins tout au long de leur vie.
Un message essentiel à retenir de votre livre ?
Dr A.d.K. : Oui, l’importance de savoir comment on fonctionne pour comprendre. Cela permet d’avoir davantage confiance en soi et en même temps de savoir de quoi on doit se méfier. Si vous êtes bien informée, vous aurez beaucoup moins de problèmes, et vous pourrez préserver votre santé et vivre pleinement votre intimité avec le maximum de sérénité, et cela, à tous les âges de votre existence. Bien informer les femmes, c’est la clé !
Propos recueillis par Valérie Loctin.
Son dernier livre
La vie intime des femmes
Dans cet ouvrage extrêmement complet qui s’adresse aux femmes à tous les âges de la vie, tous les sujets sont abordés : la contraception, la sexualité, les difficultés pour être enceinte, les troubles urinaires, l’endométriose, les maladies du sein, les infections, et notamment celle au papillomavirus, mais aussi tous les aspects de la vie intime féminine, jusqu’à la question de l’identité sexuelle et du genre. Un livre passionnant qui parle aux femmes (et aux hommes) et vous donne des réponses et des solutions adaptées à chaque situation. Du Dr Anne de Kervasdoué, Odile Jacob, 720 p., 26 €.