Malgré son expertise reconnue mondialement, le professeur Raoult a dû faire face à bien des oppositions, voire des règlements de comptes. Rencontre avec un résistant.
Dans votre Autobiographie, vous dévoilez un profil d’élève surdoué, dont l’ennui en classe provoque un rejet de l’autorité. Vous êtes-vous réconcilié avec l’idée que les plus doués ne soient pas toujours au sommet ?
Pr Didier Raoult : En pratique, je ne crois pas que l’on puisse sélectionner à 18 ans ceux qui seront définitivement en charge simplement parce qu’ils sont plus disciplinés, travailleurs ou attentifs. Je ne crois pas du tout au système des grandes écoles, à l’exception de Normale Sup Lettres, qui a toujours formé des personnes de très grande qualité dans l’histoire de France. À l’ENA comme ailleurs, on forme des administrateurs, pas des génies, ce n’est pas l’intelligence qui est sélectionnée, mais la complaisance. Les gens intelligents ne sont pas dans le consensus ni dans la moyenne, d’ailleurs les grands mathématiciens sont tous des originaux. Je ne fais pas de hiérarchie entre civilisations, elles correspondent à des moments d’histoire, je ne qualifie pas les talents des uns et des autres. En revanche, les capacités artistiques, artisanales m’émerveillent. J’ai une vraie admiration pour des amis viticulteurs qui arrivent à faire des vins considérablement supérieurs à ceux du vignoble d’à côté. J’aime également la beauté. Il y a eu une proposition féministe sur l’embauche des femmes, afin de ne pas les voir physiquement avant pour ne pas entraîner un biais en faveur des plus jolies. Alors qu’en réalité, la beauté fait partie de la vie tout simplement.
Le talent est partout ?
D.R. : Il n’y a pas de hiérarchie dans les talents, l’important est de trouver SON talent. Le leadership est d’une autre na- ture, il ne s’apprend pas, il est naturel. On le perçoit moins aujourd’hui, car 80% de l’activité se situe dans le tertiaire, un secteur où la conformité et l’obéissance sont de mise. Même si cela est moins fréquent que dans ma génération, on connaît tous de grands entrepreneurs autodidactes, dotés de la capacité à entraîner, convaincre, à surmonter les accidents de parcours, supporter les tensions. Avec les diplômes, cela ne va pas de soi. Je n’ai pas rencontré beaucoup de gens aussi diplômés que moi, mais j’ai l’exemple de la plus diplômée de mes élèves, un vrai puits de science, qui n’a jamais réussi à prendre une direction de structure, quelle qu’elle soit.
La soif d’apprendre est une constante dans votre vie, tout comme l’ambition et le besoin de travailler. La recherche a-t-elle répondu à vos attentes ?
D.R. : L’ennui est une chose terrible. Je me suis ennuyé longtemps, j’ai fait quelques bêtises. J’ai vu aussi cela chez des gens oisifs dont les comportements devenaient excessifs. Il est essentiel d’avoir des règles de vie, au départ elles se basaient sur la religion, puis sur le social, elles se sont un peu perdues. Et il faut être actif. On ne peut pas construire l’estime de soi sans cela. Même si l’on ne travaille pas, faire c’est faire, dans l’entreprise ou ailleurs.
Chacun trouve sa voie, moi j’ai trouvé la mienne. Traduire en résultat analysable et objectif le travail entraîne une satisfaction, comme chez un entrepreneur qui sort sa belle voiture, ce sentiment existe dans tous les mondes et tous les lieux, même chez les assassins, ou chez les nazis. Aux procès Nuremberg, on a pu entendre ces paroles déconnectées de la moindre morale basique, d’un responsable d’Auschwitz, satisfait de remplir ses objectifs de transports de Juifs. Je me suis longtemps demandé l’intérêt pour un chef d’entreprise milliardaire de vouloir 2 milliards plutôt qu’un ? Mais j’ai com- pris qu’il s’agit d’un défi à soi-même, pour moi, faire 3000 publications au lieu de 2000 n’est pas la même chose. Il faut bien entendu comparer et quantifier dans des milieux comparables. Dans la boxe, on ne fait pas combattre les poids lourds avec les légers (l’un de mes héros de jeunesse était Mohammed Ali), mais dans ma catégorie, jusqu’où puis-je aller ?
Le sport semble vous inspirer…
D.R. : J’aime les sportifs de haut niveau, ils n’ont pas le temps de s’ennuyer, ce sont de vrais grands travailleurs. Bien entendu, on a été obligé de faire des catégories, de poids, de sexe, de handicap, mais le principe reste le même. J’ai un ami qui est devenu l’an dernier champion du monde des joueurs de tennis des +80 ans, c’était la plus belle joie de sa vie. Une part de l’humanité avance pour aller au bout de ses talents. Je jouais au football jeune, j’étais mauvais, pas de coordination, pas de talent. Chacun doit essayer de trouver sa voie. J’ai vu des amis devenir tristes, car si l’on n’accomplit pas cette recherche, on se déçoit énormément. Tout cela est vieux comme la parabole des talents. Bien entendu, il y a les circonstances externes. Les uns et les autres peuvent trouver injuste la réussite des autres, alors que chacun peut trouver son propre accomplissement.
Vous mettez en exergue dans votre livre le pouvoir déformant des médias, pouvez- vous approfondir ?
D.R. : La question de fond avec la presse, qui peut nous entraîner dans une phase dangereuse pour la démocratie, est la synchronisation des politiques sur la presse. Je disais il y a longtemps au rédacteur en chef de la Provence qu’il y avait des informations peu intéressantes, voire contradictoires. Et il m’a répondu « la presse est là pour vendre des journaux, monsieur Raoult, on s’appelle journal, c’est la vérité du jour ». Le problème est le circuit de l’information, des billets circulaient à l’époque de Louis XVI sur Marie Antoinette, sans censure, le contre-pou- voir pouvait tout dire. Aujourd’hui, la presse écrite ne tient que par des subventions, la plupart des télévisions vivent sur des systèmes fiscaux. La propagande est partout, en France comme ailleurs.
Et le poids d’Internet ?
D.R. : Des systèmes nouveaux se créent avec les réseaux sociaux, mais des moyens de censure naissent. Heureusement, l’information peut toujours circuler, même si cela est plus difficile, car la plu- part des sources d’information sont non vérifiées, cependant je considère que je suis un grand garçon apte à faire le tri. Mon orgueil est que je suis capable de faire la différence. Une des voies majeures sur laquelle je n’aurais pas parié, est que pendant l’épisode Covid, il y a eu un retour aux livres, je n’aurais pas imaginé cela il y a cinq ans. Un phénomène très intéressant, car il est assez facile de faire des livres, sans censure. Il y a plus de données chiffrées dans des livres inconnus que dans des journaux spécialisés. À ce jour, les livres qui se vendent le plus et qui irritent le plus sont les livres de « complotistes », dans lesquels les lecteurs cherchent une information alternative.
« La question de fond avec la presse, qui peut nous entraîner dans une phase dangereuse pour la démocratie, est la synchronisation des politiques sur la presse. »
Vous soulignez que l’OMS est à l’origine, du moins partiellement, de certaines crises sous couvert du principe de précaution, est-elle devenue une organisation politique ?
D.R. : Je redoute que les gens appartiennent à ceux qui les achètent. Les plus gros contributeurs au budget de l’OMS sont Bill et Melinda Gates, plus que les USA. Ce sont eux qui décident de l’usage, l’autonomie de l’OMS est donc ce qu’elle est. Bill Gates répète au Davos 2016 qu’il va y avoir une terrible épidémie, or la moitié des morts Covid ont plus de 85 ans, il y avait peu de raisons de mettre le feu à la planète. Sa main gauche est philanthrope et sa main droite place de l’argent dans le secteur pharmaceutique et dans les vaccins. Le Gourou du XXIe siècle dispose d’une puissance financière dont il faudra tenir compte, il convient de trouver une régulation. Ainsi, je suis choqué que certains en Europe prennent des décisions sans que l’on ne puisse avoir accès au processus décisionnel (comme pour les achats de vaccins). Il faut avoir des contre-pouvoirs, de la transparence. Si c’est être complotiste que de dire que les laboratoires pharmaceutiques sont responsables d’actes de corruption, alors… Pfizer a quand même réalisé 90 milliards de CA !
On vous qualifie souvent d’antivax sur les réseaux, pouvez-vous répondre à cette affirmation ?
D.R. : J’ai rempli des dossiers pour vacciner contre l’hépatite B, car nous avions beaucoup de retard. À ce moment-là, la gauche caviar de riches était antivax, c’était l’époque New Age aux USA, et la droite conventionnelle était plutôt pour. Les choses ont changé aujourd’hui, la gauche riche défend tous les vaccins, et les conservateurs sont méfiants. Pour moi, certains vaccins sont bons, d’autre pas, c’est l’efficacité qui prime. Le vaccin ARN est plus pointu et parfois moins efficace, nous n’avons pas de recul sur les injections à haute dose, cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas le faire, mais de là à généraliser sur la population dans une période d’affolement, avec des conséquences inconnues, il y a un pas. D’autant que les fabricants n’ont pris aucun risque, et ont refusé une quelconque responsabilité juridique. C’est un phénomène nouveau, soit l’État rend le vaccin obligatoire, soit il ne l’est pas et les gens décident individuellement.
On peut prendre l’exemple du Japon. Le vaccin était obligatoire contre la grippe pour les enfants à l’entrée à l’école au Japon, et l’on a constaté une diminution considérable de la mortalité globale. Le problème était que l’on vaccinait 3 enfants avec la même seringue ce qui a entraîné une épidémie d’hépatite C. Le vaccin a été abandonné, et la mortalité a bondi chez les plus âgés. Autre exemple, il y a 200 fois plus de poliomyélites d’origine vaccinale que de poliomyélites normales, essentiellement du fait du vaccin « vivant ». Il faut toujours remettre en cause les stratégies, comme passer du vaccin « vivant » au vaccin « mort » par exemple. Mais ce n’est pas si simple. Rien n’a changé le cours naturel de l’épidémie Covid, il y a eu le démarrage, les ricochets, et cela s’atténue, il est possible que cela suive le cours de toutes les autres infections respiratoires, et dans ce cas, on sait comment faire. Le vaccin a effectivement permis moins de formes graves chez les sujets âgés c’est vrai, de là à aller au-delà…
Vous évoquez l’obsolescence programmée des médicaments, du fait du caractère capitaliste des laboratoires, quelle est votre vision de l’avenir pour le succès de solutions plus simples et moins chères ?
D.R. : Les pays qui ont l’industrie pharmaceutique la plus importante ont aussi la mortalité la plus élevée, quant aux Français ils sont les traînards du médicament générique, tout cela parce qu’il faut rendre les médicaments existants obsolètes pour gagner de l’argent. Il y a une déconnexion entre l’espérance de vie et les dépenses de santé depuis 2010, chez nous, la première ne bouge plus vrai- ment. L’idée des 120 ans est un fantasme, aux USA l’espérance de vie diminue, en Grande-Bretagne, cela commence, notamment du fait des suicides et de l’obésité. Cela pose de vraies questions. Tout notre modèle de développement sur l’in- novation médicamenteuse ne fonctionne plus, il convient de changer le comporte- ment thérapeutique. Mis à part dans le cas de l’hépatite C chronique, ou le traitement des mélanomes, les innovations thérapeutiques n’ont rien changé.
« Si c’est être complotiste que de dire que les laboratoires pharmaceutiques sont responsables d’actes de corruption, alors… Pfizer a quand même réalisé 90 milliards de CA ! »
Le progrès technologique est-il toujours un progrès ?
D.R. : Les objets connectés permettent de contrôler le pouls, sa marche, son poids, il faudrait pouvoir mesurer l’oxygénation, tout cela contribue à l’amélioration des suivis et des dépistages. La piste technologique peut permettre des progrès plus considérables que la chimie. Nous avons ainsi un retard considérable sur l’installation de scanners low dose, qui doivent remplacer les radios. Mais évidemment, les lectures de résultats sont bien plus simples grâce à l’IA, plus besoin de radiologues. Il faut savoir re- venir sur de mauvais choix. L’industrie pharmaceutique a réussi à faire en sorte que l’on ne peut plus faire de repositionnement, c’est-à-dire utiliser un produit existant pour une autre maladie. Comme pour l’hydroxychloroquine, le pourcentage d’efficacité était bon, mais ce n’est pas avec cela que l’on pouvait récolter des milliards. Celui qui gagne de l’argent en faisant une étude n’est pas neutre, je ne crois pas à son honnêteté.
Quelle est votre vie aujourd’hui, vous n’avez pas vraiment le profil du retraité tranquille sous son olivier ?
D.R. : J’ai des projets scientifiques en cours en tant que consultant d’Eurofins sur leur stratégie à venir de cultures, avec Hitachi, avec des startups en développement.
Le secret de votre résistance stoïque face aux attaques post Covid tient-il à votre nature ou la médecine rend-elle un peu indifférente ?
D.R. : Je ne sais pas. Je pensais qu’il était intéressant de raconter l’histoire familiale, car ce que j’ai vécu n’est rien par rapport à eux, mes grands-parents ont tous deux été emprisonnés pendant la guerre, ma grand-mère, toute menue, a été déportée, donc je ne crains pas les contrôles. Je cherche l’estime de moi- même, pas de certaines gens. J’ai vu des personnes se mobiliser pour m’aider et qui sont épuisées, car il ne faut pas cher- cher à séduire, il faut que cela se passe de façon compatible avec ce que j’ai fait et ce que j’ai écrit. Comme pour l’histoire de la chloroquine, je veux pouvoir regarder ce que j’ai écrit des années avant sans avoir honte. Ce n’est pas le monde qui fait ce que je suis.