Encadrée depuis 2018 par la loi Elan et régie par un contrat spécifique plus souple que le bail mobilité, la cohabitation intergénérationnelle solidaire est un dispositif permettant à un senior de plus de 60 ans d’accueillir chez lui un étudiant ou un jeune actif de moins de 30 ans. Et si la colocation et l’habitat partagé entre différentes générations étaient l’avenir ?
UN SYSTÈME GAGNANT-GAGNANT
La cohabitation intergénérationnelle permet à des seniors de louer à des jeunes une partie de leur logement : un système valorisant l’entraide et le partage favorisé par des avantages fiscaux.
Ce système donne la possibilité à un senior de plus de 60 ans d’accueillir chez lui/elle un jeune actif (moins de 30 ans) à la recherche d’un logement en échange d’un loyer modéré. Cela bien entendu s’il dispose évidemment d’une chambre disponible.
L’entente peut inclure également quelques services rendus au quotidien. Cependant, il ne peut y avoir de lien de subordination entre les deux cohabitants.
UN LIEN SOCIAL CONTRE LA SOLITUDE
Pour les seniors, ce dispositif en plus d’être fiscalement avantageux, permet de conserver un lien social sécurisant et de lutter contre l’isolement.
En juin 2020, le rapport des « Petits frères des pauvres » révélait que le confinement avait pesé sur le moral et la santé physique des personnes âgées dont 720 000 n’avaient pas eu de contact avec leur famille. Avec la cohabitation intergénérationnelle, le lien est maintenu grâce à la solidarité.
Pour les jeunes, en plus d’une économie de budget, la cohabitation peut favoriser l’implantation dans une nouvelle ville et l’hôte peut devenir aidant pour faciliter cette arrivée avec ses conseils.
UN STATUT JURIDIQUE ENCADRÉ
Juridiquement, ce type de cohabitation s’inscrit dans le cadre de la loi ELAN, entrée en vigueur en 2018, et ne peut se faire qu’autour d’un contrat dit de « cohabitation intergénérationnelle solidaire ». Plus souple que le bail mobilité, ce contrat n’est pas une location à proprement parler, car les modalités d’hébergement sont spécifiques entre la personne qui héberge et le jeune qu’elle accueille. Dans ces conditions, le senior peut proposer ce type d’hébergement même s’il est lui-même locataire.
COMME UNE LOCATION CLASSIQUE
Comme une location « classique », le senior et/ou le jeune actif peuvent tout à fait bénéficier des Aides Personnalisées au Logement (APL). Il n’y a en effet pas de différence sur ce sujet pour la cohabitation intergénérationnelle solidaire.
A savoir également que si le senior percevait déjà des APL avant de sous-louer une partie de son logement, le loyer qu’il/elle percevra de la part du jeune ne sera pas pris en compte dans le calcul de ses ressources.
Par exemple, si vous concluez un contrat de cohabitation intergénérationnelle avec un jeune locataire pour une chambre de 20m2 pendant 1 an à Rennes, le loyer ne devra pas excéder 235 euros par mois afin d’être exonéré d’impôt (calcul : 20 x 141 / 12). Jusqu’à cette limite, vous n’avez donc pas à déclarer ce complément de revenus aux impôts.
UNE EXONÉRATION FISCALE AVANTAGEUSE
Selon le Code général des impôts (35 bis, I), les personnes qui louent ou sous-louent en meublé une ou plusieurs pièces de leur habitation principale sont exonérées de l’impôt sur le revenu sous réserve que :
- Les pièces louées constituent pour le/la locataire ou le/la sous-locataire en meublé sa résidence principale (ou sa résidence temporaire dès lors qu’il/elle justifie d’un contrat de travailleur saisonnier),
- Et que le prix de location demeure fixé dans des limites raisonnables. En 2021, les prix raisonnables sont les suivants : 191 €/ m²/ an en Ile-de-France ; 141 €/ m²/ an dans les autres régions.
En revanche, si le montant annuel du loyer dépasse le seuil d’exonération fiscale, alors le montant supérieur à cette limite devra être déclaré comme bénéfice industriel et commercial (BIC).
XENIA, UNE PLATEFORME À VOTRE SERVICE
Fondée en mai 2020, la startup française Xenia rassemble les générations sous le même toit grâce à la cohabitation intergénérationnelle et répond ainsi à deux problématiques.
D’une part, permettre à des seniors et jeunes retraités de repousser le départ en maison de retraite et de rompre avec la solitude, grâce à une présence au quotidien tout en bénéficiant d’un complément de revenus.
D’autre part, donner la possibilité à des étudiants de trouver un logement à loyer modéré et en échange de quelques services pour faciliter le quotidien de leur hôte senior.
UN FONCTIONNEMENT TRÈS SIMPLE
Le fonctionnement de Xenia est très simple d’utilisation. En se rendant sur la plateforme en ligne xenia-cohabitation.com, l’utilisateur s’inscrit et indique s’il est un senior à la recherche d’un jeune locataire ou s’il est un étudiant à la recherche d’un logement.
Ensuite, il est invité à répondre à un questionnaire très détaillé où il peut exprimer ses attentes et ses centres d’intérêts, permettant ainsi à l’équipe de Xenia d’associer des profils complémentaires pour créer des duos harmonieux.
Ce système précis de correspondance a été construit en collaboration avec Anne Gotman, Directrice de recherche émérite au CNRS et auteure de « Le sens de l’hospitalité, essai sur les fondements sociaux de l’accueil de l’autre ».
A noter que Xenia est présente sur tout le territoire : dans les grandes villes de France, notamment en Ile-de-France et à Bordeaux, mais aussi à Lille, Rennes, Nantes et Strasbourg et dans les plus petites communes de l’hexagone (Bayonne, Valence, Limoges, Aix-en-Provence, Dunkerque, etc.).
UNE BELLE EXPÉRIMENTATION EN AUVERGNE
Le SIRA et Auvergne Habitat, qui collaborent depuis près de 7 ans, ont décidé de s’engager dans le développement de la cohabitation intergénérationnelle et solidaire.
Afin de proposer de l’habitat intergénérationnel sur le territoire de Clermont Auvergne Métropole, le SIRA développe un service dédié, Partage1Toit, dont le but est de favoriser et accompagner la rencontre entre les seniors (de plus de 60 ans) et les jeunes (de moins de 30 ans).
Il se charge de mettre en relation, d’organiser les modalités de colocation et de suivre la cohabitation entre l’hébergeur et l’hébergé, dont les besoins et attentes peuvent être convergents ou complémentaires.
Le 1er bailleur social d’Auvergne quant à lui souhaite favoriser l’accès aux droits de ses locataires seniors en situation de sous occupation. Il s’appuie donc sur les compétences de Partage1Toit pour développer ce dispositif.
POUR ARRONDIR SES FINS DE MOIS
Sur plus de 17 millions de retraités en France, selon une récente étude d’Opinion Way, une personne âgée de 70 ans et plus sur deux déclare avoir des difficultés financières et 34% d’entre elles se disent inquiètes pour l’avenir.
Alors que la crise sanitaire a durement impacté les revenus des seniors, avec une pension moyenne de retraite de 1393 € par mois en France, la colocation intergénérationnelle se présente comme une intéressante alternative humaine et solidaire.
Que ce soit dans le but d’arrondir les fins de mois, augmenter son pouvoir d’achat ou même pallier la solitude, ils sont aujourd’hui plusieurs milliers de seniors à opter pour cette solution.
UNE VRAIE SOURCE DE REVENUS
La colocation intergénérationnelle peut donc être une source de revenu non négligeable. En moyenne, chez Colette, les hôtes perçoivent 6000 € de revenus locatifs annuels nets d’impôts, soit 500€/mois.
L’un des avantages de ce contrat réside également dans l’exonération d’impôts sur ce revenu. En effet, la mise à disposition d’une partie de sa résidence principale permet aux hôtes d’être exonérés sur la contrepartie, le loyer, qu’ils reçoivent, à condition que celle-ci soit modeste.
Une incitation fiscale qui a notamment pour but d’accélérer l’adoption du modèle par les propriétaires et locataires de 60 ans et plus. « Contrairement à la location meublée de tourisme, où les prélèvements sociaux et l’impôt sur ce revenu peuvent être élevés, côté fiscalité, la cohabitation intergénérationnelle ne présente que des avantages !
De plus, chez Colette, nous aidons l’hôte à louer son logement en toute sérénité. Nous avons un véritable rôle d’accompagnement dès l’inscription mais également tout au long de la cohabitation », commente Matthieu Vaxelaire, co-fondateur de la startup.
Il est également possible pour deux générations de cohabiter dans un logement social. En effet, la sous-location d’une partie du logement social est autorisée par la loi uniquement dans le cadre d’un contrat d’accueil familial ou de cohabitation intergénérationnelle. Le locataire n’est pas dans l’obligation de demander l’autorisation au propriétaire, mais il doit l’informer de sa décision de conclure un tel contrat.
UNE AVENTURE HUMAINE & SOLIDAIRE
Au-delà de l’aspect financier, la cohabitation intergénérationnelle, c’est le synonyme d’une solidarité entre générations. « L’entraide, le partage, la bienveillance et la solidarité entre générations sont des valeurs qui nous sont chères.
Certaines personnes aiment renvoyer dos à dos les jeunes et les moins jeunes : les premiers seraient égoïstes et peu respectueux du passé, les seconds seraient nantis et peu préoccupés par l’avenir.
Nous ne souscrivons pas à ces clichés. Nous avons croisé des jeunes capables de regarder vers l’arrière et des aînés disposés à regarder vers l’avant. Nous pensons que la solidarité entre générations existe. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons l’encourager », ajoute Matthieu Vaxelaire.
DES COLOCATAIRES TÉMOIGNENT
Laissons le mot de la fin à Hélia, 70 ans, qui a fait appel à la plateforme Colette pour lui trouver Justine, sa jeune colocataire : « Au début, nous ne savions pas vraiment comment ça allait se passer mais les choses se sont faites naturellement ! Nous partageons de plus en plus de choses et de tâches quotidiennes. De plus, depuis quelques années, j’ai peur à mon âge d’habiter seule : s’il m’arrive quelque chose ou que j’ai besoin d’aide. Aujourd’hui, je suis apaisée et rassurée d’avoir quelqu’un à la maison. »
Si vous vivez seul vous aussi, que vous avez une chambre à disposition dans votre maison ou appartement, voici une bien jolie façon de lutter contre l’isolement, et de mettre de la joie de vivre dans votre foyer. J.B.