Catherine Laborde souffre du syndrome de Parkinson et de la maladie à corps de Lewy. Dans son dernier livre, elle raconte tout en pudeur, émotion, humour aussi, ce mal qui touche plusieurs milliers de personnes, malades et aidants inclus. Rencontre avec une grande Dame porteuse de bienveillance et de messages d’espoir.
Dans une période où la parole des femmes se libère sur de nombreux sujets de société, votre livre est très utile, car il permet de lever le voile sur la maladie de Parkinson. N’est-ce pas le plus beau pied de nez à la maladie ?
Catherine Laborde : J’aime beaucoup votre comparaison autour d’une parole qui se libère sur de nombreux tabous, et j’avoue que je n’y avais pas pensé. Etre utile, c’est ce que je cherchais. J’ai fait le pari de continuer à vivre le plus normalement possible. De ne pas déroger à mes règles d’exigence dans l’existence. C’est le seul moyen de me sentir vivante ! Plus de 150 000 personnes se sentent aujourd’hui isolées avec cette maladie. Ce livre est là pour leur dire qu’elles ne sont pas seules, même s’il y a autant de sortes de Parkinson qu’il y a de malades. Nous assistons à une montée des maladies dites neurodégénératives en France et dans le monde. Ce sont des maladies récentes que l’on ne sait pas encore traiter. Mais il y a de l’espoir si on se dépêche de vivre longtemps ! (sourire)
Vous avez fait partie pendant de longues années du quotidien des Français qui vous témoignent une grande affection. Ce livre est-il aussi une façon de leur rendre cette amitié et cette tendresse ?
C.L. : C’est à la fois leur rendre leur amitié et pouvoir m’y reposer aussi, même si c’est certainement un peu égoïste. Je fais partie des gens très optimistes. Je pense qu’on a tous le meilleur en nous. Au début, quand j’ai appris ma maladie, je ne savais pas s’il fallait le dire ou non. Et puis je l’ai fait. Et j’ai pu m’appuyer sur les regards bienveillants que je croisais et que je croise toujours. Je reçois beaucoup de témoignages d’affection. Et c’est vrai, je puise beaucoup de force dans ces élans, dans ces messages d’amitié et de tendresse.
« Cette lenteur obligée me permet aussi de profiter vraiment de tous les moments de la vie. Elle m’apprend la patience, la jouissance de retrouver le bonheur d’être. »
Comment garder le moral à l’annonce du verdict médical ?
C.L. : Dans mon cas, bizarrement, j’ai d’abord éclaté de rire en sortant de chez le médecin. C’était comme si on m’enlevait un poids de la poitrine, comme si j’étais libérée de moi-même. Le rire, vous savez, c’est une arme aussi…
Avez-vous été contactée par des associations de malades pour les aider ?
C.L. : C’est amusant que vous me posiez cette question aujourd’hui, car c’est d’actualité. Je viens d’être contactée par des responsables d’association qui ont lu mon livre et qui ont envie qu’on travaille ensemble. Ça me rend très joyeuse, car je vais pouvoir continuer à être utile au travers de ce combat.
Vous avez établi une liste des nombreux symptômes de la maladie de Parkinson. Quels sont ceux qui sont les plus pénibles au quotidien ?
C.L. : La lenteur à laquelle je suis désormais condamnée… une lenteur obligée dans tous les gestes du quotidien. Et puis je bafouille, je cherche mes mots, j’en invente. J’ai l’impression de tout faire à 0,5 km/h et non plus à 20km/h. Ce temps pour faire, pour parler, pour marcher est devenu beaucoup plus lent et donc beaucoup trop long pour moi. Mais en même temps, cette lenteur obligée me permet aussi de profiter vraiment de tous les moments de la vie. Elle m’apprend la patience, la jouissance de retrouver le bonheur d’être.
Vous ne cachez rien ou presque de votre nouveau quotidien et vous utilisez des « petits noms » pour parler de votre maladie. Pourquoi ce choix alors que vous n’êtes absolument pas dans le déni ?
C.L. : Ça, c’est mon combat ! Il se livre avec des mots. Alors j’ai décidé de lui en faire voir de toutes les couleurs. Je me venge en l’affublant de noms complètement ridicules pour qu’elle perde de sa vigueur. Ce qui n’est pas dit, n’existe pas. Je me bats donc avec mes mots à moi.
De nombreux malades expliquent que ce qui est terrible avec une maladie chronique invisible, c’est justement qu’on ne la voit pas. Mais n’est-ce pas aussi une protection vis-à-vis du regard des autres ?
C.L. : C’est possible… C’est pour ça aussi qu’au début je ne voulais pas en parler. C’est vrai que c’est une protection, vous avez raison, mais en même temps, les gens peuvent être gênés pour vous. Tant qu’on ne le dit pas aux autres, les gens vous regardent d’un drôle d’air. Si vous bafouillez ou vous mettez à trembler, ils se demandent : « qu’est-ce qui lui arrive ? » Dans mon cas, il fallait que ça s’arrête et j’ai décidé d’en parler. Ce qui est certain c’est que le regard des autres a changé. C’est peut être ça qui parfois est le plus compliqué. Mais moi aussi j’ai changé ! Et ce n’est pas facile non plus pour les proches. C’est aussi pour cette raison que j’ai écrit ce livre, pour les malades bien-sûr mais aussi pour les aidants dont la vie s’en trouve totalement bouleversée.
Votre livre est aussi un merveilleux message d’espoir : Ne pas se résigner, rechercher ce que l’on aime, bouger, danser, écrire… C’est ça le secret ?
C.L. : C’est en tous cas ce que je me dis, mais ce n’est pas tous les jours facile. Bouger, c’est un impératif, tous les médecins vous le diront. C’est encore plus difficile pour moi qui suis depuis toujours de nature un peu paresseuse ! (rires) Mais je bouge, je fais chaque jour du vélo d’appartement. Et puis… vous voir bouger, ça fait aussi du bien à ceux qui vous accompagnent et qui ne sont pas malades !
« Ce qui est certain c’est que le regard des autres a changé. C’est peut être ça qui parfois est le plus compliqué. Mais moi aussi j’ai changé ! »
Votre livre est en effet un message d’amour aux aidants en général et à votre mari en particulier…
C.L. : Oui et d’ailleurs quand on est dans les bras de celui qu’on aime, on ne tremble presque plus. Y’a comme un mystère avec l’amour… C’est mon mari qui a découvert le premier ma maladie. C’est l’aidant en Chef ! (rires) Je m’appuie beaucoup sur lui. Ça ne doit pas être facile pour lui tous les jours… mais il ne le montre pas…
On parle beaucoup de thérapies douces qui peuvent être très utiles comme la sophrologie, la relaxation, l’hypnose ou l’EMDR. Les pratiquez-vous ou y songez-vous ?
C.L. : On me l’a conseillé plusieurs fois. J’y songe mais je n’ai pas encore démarré quoi que ce soit. A l’âge de 25 ans, j’ai pratiqué la méditation transcendantale. J’en ai gardé quelques mantras. Je pense que toutes ces techniques de relaxation en pleine conscience peuvent faire du bien et donner de bonnes vibrations. Je fais aussi régulièrement des séances d’orthophonie. Je ne connais pas l’EMDR, mais je vais me renseigner.
Comment vivez-vous cette période de travail intense pendant la promotion de votre livre ? Ce n’est pas trop fatigant ?
C.L. : Si c’est très fatigant, mais comme je bouge beaucoup et me déplace partout, je n’ai pas besoin de faire du vélo en plus en ce moment ! (rires) Mais ça m’apporte aussi des témoignages très chouettes, de belles rencontres et des échanges passionnants. Je me sens vraiment soutenue et ça fait un bien fou !
Qu’aimeriez-vous que les lecteurs retiennent de votre livre et de cet entretien ?
C.L. : J’ai envie de leur dire : faites-vous confiance ! Aimez la vie, aimez les belles choses, aimez les autres ! Faites confiance au déroulement de la vie, apprenez à recevoir ce que la vie vous offre. Il y a aussi beaucoup de cadeaux !
Propos recueillis par Valérie Loctin.