Rencontre avec Joëlle Goron qui signe un petit manuel bourré d’humour, de conseils et d’astuces, invitant les femmes de plus de 50 ans à profiter de leur âge. Vieillir sereinement sans se prendre au sérieux, voilà un super et vaste programme pour les années à venir !
Scénariste, journaliste, auteure, vous êtes connue du grand public pour vos chroniques à la télévision et à la radio, notamment dans l’émission « Frou-Frou ». Quel est le fil rouge de vos nombreuses activités ?
Joëlle Goron : Le capital commun de tout cela, c’est mon intérêt pour la condition féminine, même si c’est un bien grand mot. En fait, j’ai toujours voulu comprendre ce qui se passait dans la tête des femmes et comment elles le vivaient. Je n’ai pas été une soixante-huitarde, même si j’ai traversé cette période vers 21/22 ans, mais j’ai été concernée très vite par les mouvements pour les droits des femmes aux Etats-Unis et très en observation de tout cela, notamment des avancées dans notre pays. Ça m’amuse beaucoup qu’on ait l’air de découvrir le féminisme aujourd’hui. La parole se libère, c’est très bien, mais elle a mis du temps à se libérer. J’ai passé mon temps à dire pendant toutes ces années : « Vous savez, Féminisme, ce n’est pas un gros mot ! » Ce qui se passe actuellement, à la fois m’étonne et me ravit, car je me dis que les choses bougent. Dans les années 70, la différence de salaire entre les hommes et les femmes était de plus de 31%, on en est aujourd’hui à 19%. Il a fallu presque 50 ans pour y arriver, sans compter qu’on est encore loin de l’égalité, il reste du chemin !
Ce qui vous caractérise, c’est ce ton léger, badin et plein d’humour pour dire des choses pourtant très sérieuses. C’est cela votre marque de fabrique ?
J.G. : Ça me fait plaisir ce que vous dites, car ça a toujours été ma recherche. Ce n’est pas parce qu’on a une réflexion, un bagage, une culture, qu’il faut être assommant ! Et la grande difficulté – car ça a l’air simple et naturel, mais ça ne l’est pas du tout – c’est de traduire l’humour en écriture. Ça demande beaucoup de travail et c’est ingrat. La comédie n’est jamais vraiment reconnue dans notre pays, comme si c’était un « sous-genre », alors que ça demande pourtant plus de travail que la création dramatique.
Pourquoi ce dernier livre « Trop jeune pour être vieille » ? Pour donner plus de visibilité aux femmes de plus de 50 ans ?
J.G. : Mais oui ! Vous savez, je commence le livre par cette phrase : « J’ai 77 ans ». Je sens que ça choque un peu tout le monde d’oser dire cela, comme si j’étais une aventurière extraordinaire ! En général, à 77 ans, les femmes n’osent plus dire leur âge depuis longtemps. J’ai rencontré l’autre jour une jeune femme qui m’a dit : « Moi, maintenant, à vie, j’ai 39 ans. » Je lui ai demandé pourquoi et elle m’a répondu qu’elle ne voulait pas qu’on dise qu’elle avait plus. C’est incroyable, mais vrai ! Je fais le constat qu’on est dans une société qui est énormément culpabilisante pour les femmes, en particulier après 50 ans. Ça ne se fait pas d’être vieux, comme si on était responsable ou comme si c’était tragique. Vous êtes coupable dans la vie professionnelle où vous êtes taxé de ne plus être au courant ou à la page, on trouve que vous ne travaillez pas assez vite ou que vous coûtez trop cher en raison de votre expérience. A partir de 45/50 ans, dans le monde des ressources humaines, vous êtes un senior ! Et puis, tous les jours, dans l’air du temps, il faut « faire jeune », comme si être vieille était un défaut. Je veux que les femmes arrêtent de culpabiliser avec leur âge et que, parallèlement, elles se prennent en main et deviennent des battantes !
C’est-à-dire ?
J.G. : Qu’elles réfléchissent à tous les moyens à leur disposition pour ne pas se sentir vieilles. Donc, après 50 ou 60 ans, je l’affirme, il n’y a plus de temps à perdre mais tout à gagner ! Moi, je dis à 77 ans, je suis vieille, mais je veux que ce soit moi qui le dise, je ne veux pas que les autres me taxent de « vieille », comme une insulte.
«Je veux que les femmes arrêtent de culpabiliser avec leur âge et que, parallèlement, elles se prennent en main et deviennent des battantes!»
Les femmes vivent entre 50 et 65 ans une période intense avec la ménopause, un conjoint qui vit souvent mal son départ à la retraite, des parents de plus en plus dépendants, des enfants pas toujours indépendants du fait de la crise, et des petits enfants à garder. Est-ce parce qu’elles ont tout cela à gérer qu’elles s’en oublient et se négligent parfois ?
J.G. : C’est très lourd en effet. Ce sont des choses pesantes et souvent négatives. Mais il y a des solutions ! Prenez la ménopause, qui est encore trop souvent un mot tabou, il y a aujourd’hui des traitements. Il ne faut pas hésiter à poser des questions à un ou à plusieurs gynécologues. J’en parle d’ailleurs à la fin du livre. Les choses ont bien changé aujourd’hui grâce aux progrès de la médecine. On peut vous « réparer » et je ne parle pas là de chirurgie esthétique, car je n’en ai jamais fait. A titre personnel, je ne trouve pas que ce soit un recours très malin, car de toute façon à un moment, le temps qui passe vous rattrapera. Il vaut mieux avoir l’air d’une belle femme de 60 ans que d’une fausse gamine « botoxée » qui s’habille trop jeune !
C’est par hasard que Joëlle Goron est passée sur le tard de secrétaire à rédactrice et auteure, avant de devenir journaliste au magazine Cosmopolitan. Devenue scénariste pour la télévision, elle a enchaîné les réussites et les prix avec une trentaine de scenarii de films TV. Repérée pour son humour et ses chroniques aux côtés de Christine Bravo dans l’émission « Frou-Frou » à la télévision, puis dans plusieurs émissions radio, elle a poursuivi en parallèle sa carrière de scénariste et d’auteure, avec plusieurs livres à succès en librairies.
Les femmes de plus de 50 ans sont de plus en plus belles et épanouies. C’est parce qu’elle se sentent plus libres en actes et en paroles ?
J.G. : Le charme que l’on peut avoir à 30 ou 40 ans, n’est pas celui que l’on a à 50, 60, 70 ou 80 ans. Plus on a de personnalité, plus on est à l’aise dans l’existence, mais aussi dans sa tête et dans son corps, plus l’on assume de choses… et plus on est épanouie. C’est savoir à un certain moment abandonner et laisser tomber des choses – je ne serai plus danseuse au Bolchoï ! – en revanche, il y en a d’autres qu’on pourrait avoir envie d’abandonner et pour lesquelles il faut au contraire se pousser aux fesses. Il y a beaucoup de femmes qui s’entretiennent, qui continuent à faire du sport et c’est très bien pour la santé, l’équilibre comme pour la tonicité de la silhouette. Mais je pense qu’il faut aussi faire pareil avec ses neurones, qu’il ne faut pas les lâcher. Car après 50 ou 60 ans, on commence à avoir des petits oublis, la mémoire se fragilise. Là, il faut donc au contraire, se pousser le plus longtemps possible, il faut faire des efforts, lire des ouvrages, se mettre à l’informatique, car notre monde est de plus en plus connecté et c’est important pour maintenir nos liens sociaux. Moi, je l’avoue, c’est mon mari qui pendant des mois et des mois m’a formée sur l’ordinateur et internet. Bref, il faut continuer à apprendre car c’est bon pour notre cerveau, et il faut à la fois abandonner certaines choses et se cramponner à d’autres.
Ce qui veut dire rester en activité, au sens le plus large, le plus longtemps possible ?
J.G. : Oui, bien sûr, dans tous les sens du terme. Y compris dans le sens social. Quand les femmes se retrouvent soit à la retraite, soit au chômage, soit en arrêt volontaire, il faut qu’elles se conservent en état de marche. Il y a toutes les activités de loisirs bien entendu, mais aussi les relations sociales qu’il faut continuer à entretenir absolument. Le fait d’avoir des copines qui nous font du bien, de continuer à inviter ses amis, sa famille, les jeunes de l’entourage, c’est essentiel. Pour être en vie, il faut être dans la vie ! Ce qu’il nous reste à vivre, il faut vraiment le savourer du mieux possible. Et puis, rien de vaut le rire notamment avec nos amies !
Quelle est votre philosophie de vie et le message à transmettre à toutes celles qui nous lisent ?
J.G. : De se prendre en main, d’avoir confiance en soi, d’arrêter de culpabiliser sur des bêtises, mais aussi d’être « hors clichés ». Quand on est une femme « senior », on fait face à plein d’injonctions de la société. Faut faire ci, faut pas faire ça. Mais qui a écrit cela ? Ce qui compte c’est de se demander : « Moi, j’ai envie de quoi ? » et « qu’est-ce que je vais y perdre et qu’est-ce que je vais y gagner ? » Souvent, on y gagne plus qu’on y perd ! Et puis, honnêtement, être en vie, c’est quand même une sacrée chance ! C’est quand même mieux que d’être morte, non ?
Propos recueillis par Valérie Loctin.